Le tourisme est imbriqué dans l’ensemble des activités humaines de notre
société. Dans ce premier volet de 3 textes, regardons où nous en sommes
actuellement sur notre planète. Qu’est-ce qui est sur la table? Ce qui a changé
depuis l’arrivée de la pandémie? Quelles sont les pistes de solutions globales
pour sauver la présence humaine sur Terre, à tout le moins une qualité de vie
minimale? Dans la partie II de cette trilogie, je traiterai
des objectifs à se donner en tourisme au Québec et dans la partie III,
de quelles façons s’y prendre concrètement. Notre tourisme doit se transformer.
Nous avons tous une opportunité, un devoir – entreprises, associations,
agences, gouvernements, communautés – de repartir le compteur à zéro
en faisant mieux pour la planète, nos milieux de vie, nos familles et nos
voyageurs. Voyons cette crise comme une opportunité unique de réinventer le
tourisme. Comme l’ont affirmé à travers l’histoire de l’humanité plusieurs
maîtres à penser, dont Socrate, Jésus et Bouddha, tout changement significatif
commence avec l’individu. Serons-nous des milliers en tourisme au Québec à y
participer?
PARTIE I - À consulter en 3 versions
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pages)
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pages)
EXTRAITS/RÉSUMÉ
INTRO
«Cette tempête passera. Mais les choix que nous faisons maintenant
pourraient changer nos vies pour les années à venir» - Yuval
Noah Harari, l’auteur du best-seller Sapiens, sur la crise de la COVID-19
«On se remettra de la pandémie, pas de la fonte des glaces» - Noam Chomsky, le
plus grand des philosophes américains
On n’a jamais autant parlé du tourisme, des régions et des PMEs que
cette année… Bizarrement, dans notre crise touristique actuelle – la
pire depuis que le tourisme commercial existe – on reconnaît
comme jamais l’importance fondamentale du tourisme dans les économies des
destinations. On a connu un déconfinement bordélique et une promotion
touristique trop tardive et anémique au Québec, avec au final une saison
estivale intense dans nos régions, mais catastrophique à Québec et à Montréal.
Un retour à une «normale» en tourisme - avec des fermetures certaines
d’entreprises d’ici là - ne peut se faire sans vaccin ou médication
efficace. Ce qui n’arrivera pas avant le milieu de 2021…
Le tourisme sera durablement affecté par la COVID-19. D’une part, en
raison des contraintes sanitaires et de distanciation physique additionnelles
qui vont grever, au moins pour un temps, la rentabilité des PME. D’autre
part, la crainte d’une crise économique forte et durable peut
induire des choix de consommation défavorables aux loisirs, de la part des
consommateurs.
La tempête parfaite qui se dessine est celle provoquée par les changements
climatiques, conjuguée à un déficit démocratique et aux inégalités sociales
provoquées par la mondialisation et la surconsommation…
LA CRISE AVEC SES ACCÉLÉRANTS DE
TENDANCES PRÉEXISTANTES
En tourisme:
- L’appel de la forêt, de la
nature
- Le «slow tourism»
- Voyages à faire avant de
mourir
- Voyages de sens
- Surtourisme et
tourismophobie
- Écart de richesses entre les
touristes
En général:
- Introspection sur nos
existences
- Attraits des régions
- Agriculture locale,
biologique, moins de viande et bien-être des animaux
- Choisis ton camp!
- Complotisme, négationisme et
désinformation
- Développements des
technologies
- Ralentissement de
l’homogénéisation des destinations touristiques
- Surconsommation
- L’Internet des objets
- Télétravail
- Monde financier versus
réalité économique
- Suprématie indécente des
GAFAM
- Croissance des achats
numériques
- Appréciation des
travailleurs essentiels sous-payés
- Nos gros chars
- Aménagement des villes en
fonction des piétons et des cyclistes avec intégration de la nature
TOURISME
Un tourisme plus lent, plus vert, plus long comme en
train, en vélo ou en auto, priorisant les expériences locales, la nature et le mieux-être,
va devenir un comportement généralisé. On va réapprendre à voyager autrement.
La hausse du coût des billets d’avion, conjugué à la désapprobation d’utiliser
l’avion («flygskam» - en suédois : la «honte de voler») lorsque non
nécessaire, fera chuter notre habitude de faire de multiples courts voyages et
éloignés par année… surtout que maintenant, les touristes savent qu’ils peuvent
rester «coincés» longtemps dans un pays étranger.
Pour le tourisme d’affaires, si essentiel à Montréal et à Québec, la
vidéoconférence semble avoir fait des percées importantes en tant que substitut
aux réunions en personne. Nous sommes devenus des «Zoombies». Les
voyageurs d’affaires ont apprécié le confinement et le télétravail pour la
qualité de vie. L’aviation est le secteur qui sera le plus
affecté en tourisme et de surcroit la confiance des investisseurs en a pris un
coup… La conclusion ou pas de l’acquisition d’Air Transat par Air
Canada aura un impact marqué sur le tourisme international européen au
Québec.
Dans le secteur de l’hébergement, plus simple que l’aérien,
on passe de la grande personnalisation des services avec un maximum d’employés
en contact avec les visiteurs, vers une gestion informatisée maximale pour tous
les points de contacts. Les hôtels deviennent des lieux aseptisés comme les
partenariats Hilton/Lysol et Four Seasons/«Johns Hopkins Medicine» le
démontrent.
Pour la restauration – si essentielle pour
les visiteurs – avec la fermeture des terrasses bientôt et les
règles de distanciation en place, le cauchemar se poursuit. Comment rendre à
nouveau l’expérience culinaire plaisante et rentable pour le restaurateur? Là
est toute la question.
Le défi des organisations en tourisme, comme l’Alliance et les
ATR/ATS, sera de transformer leur mise en marché en fonction de nouvelles
variables (frontières, vaccins, fermetures de PME, crise économique,
etc.). Une très grande flexibilité et rapidité d’exécution
sont dorénavant des conditions essentielles de succès. Ce qui est contraire, en
général, à leur culture.
LE MODÈLE ÉCONOMIQUE NE TIENT PLUS LA
ROUTE
Nous vivons actuellement au Québec et au Canada encore dans une bulle,
alors qu’en pleine pandémie, on s’enrichit avec les plus généreux programmes de
soutien d’urgence de la planète, mais dans la réalité :
- Selon le Bureau du directeur
parlementaire du budget canadien, le «1%» des citoyens
canadiens les plus riches détient environ 25,6% de la richesse
totale au Canada.
- Le salaire minimum aux États-Unis, en
2020, ajusté à l’inflation, est plus bas que dans les années 1960.
- Oxfam affirme que les huit
milliardaires les plus puissants du monde ont autant de fortune
que les 2,7 milliards d’êtres humains les plus pauvres.
En plus des inégalités, la planète, avec ses ressources limitées, la
majorité des humains ne peuvent plus adhérer à l’insoutenable objectif de
la croissance du PIB. Ce n’est pas juste moi qui le dit et pas
que des gens de la gauche politique: même des gouverneurs de banques
centrales, le FMI et la Banque mondiale appuient sur le bouton panique; c’est
tout dire!
On parle de plus en plus de démondialisation et d’un retour au
nationalisme économique.
CLIMAT
La Terre, depuis l’industrialisation (autour de 1720), s’est réchauffée
de 1 °C jusqu’en 2014. D’ici à 2032, les experts du GIEC des Nations-Unies
estiment que la hausse sera de 0,5 °C avec des conséquences
catastrophiques. C’est dans 12 ans! Et que le monde devrait
s’être réchauffé de 3 °C à 5 °C à la fin du siècle. Pour éviter une
tragédie planétaire permanente, il faudrait réduire nos émissions de GES de 50%
d’ici à 2032 et à zéro en 2050. Or, cela implique des changements rapides dans
nos façons de vivre et de produire des biens. Pas dans 5 ou 6 pays, mais
partout sur la planète...
Le respect par le Canada de ses promesses de réduction des gaz à effet
de serre (GES) pourrait sauver plus de 100 000 vies et créer 1,3
million de nouveaux emplois durables entre 2030 et 2050, conclut un
rapport dévoilé le 14 juillet par une coalition de 17 associations de
professionnels de la santé québécois et canadiens.
Ce que la science dit avec insistance depuis plusieurs années, c’est
qu’il faut laisser les combustibles fossiles dans le sol, cesser
toute forme d’extraction, entreprendre immédiatement une transition vers
des énergies renouvelables (dont le nucléaire, s’il le faut !)
et commencer à capter les GES pour les retirer de l’atmosphère.
SOCIÉTÉ PLUS JUSTE ET DURABLE
Il existe des solutions à la crise climatique et au cul-de-sac du modèle
économique actuel. Il faut se servir des milliards de dollars en nouveaux
investissements pour transformer notre économie et la société, tout en créant
et transformant des millions d’emplois. Face à l’urgence, nous n’aurons pas une
seconde opportunité. Voici les modèles les plus prometteurs. Le Green New Deal
sera mis en place aux États-Unis si les démocrates sont élus; le «beigne
hollandais» opère depuis plusieurs années; la Convention citoyenne en France
créée cet été est appuyée par le gouvernement français, tandis qu’au Québec… la
meilleure piste est le «Pacte pour la transition», le gouvernement voulant se
limiter à injecter massivement dans les infrastructures uniquement. Est-ce que
notre gouvernement emboitera le pas aux États visionnaires? Est-ce que nous,
gens du tourisme, adhérerons rapidement à ces changements radicaux nécessaires,
alors qu’une majorité d’entre nous ne souhaitons que revenir à la normale de
2019, niant ainsi l’urgence pour la planète et compromettant par le fait même
notre secteur touristique à moyen terme?
A.
Le «Green
New Deal»
B.
Le beigne hollandais
C.
La convention citoyenne française
146 sur 149 de leurs suggestions furent retenues par le gouvernement du
président Macron. Parmi celles-ci: interdiction des publicités
de VUS, des semences génétiquement modifiées, des trajets intérieurs en
avion (lorsque prendre le train est possible!!!), moratoire sur les
nouvelles zones commerciales en périphérie des villes, fin de
l’artificialisation des sols, etc.
D. Plan de relance de l’économie verte
Le gouvernement du Québec va lancer sous peu son Plan de relance
d’une économie verte. Mais l’approche la plus salvatrice est celle de
«101 idées pour la relance du Pacte pour la transition» soutenue par
Dominic Champagne et Lauri Waridel.
CONCLUSION
Nous avons tous une opportunité, un devoir – entreprises,
associations, agences, gouvernements, communautés – de repartir le
compteur à zéro en faisant mieux pour la planète, nos milieux de vie, nos
familles et nos voyageurs. Voyons cette crise comme une opportunité unique de
réinventer le tourisme.
À venir le 16 septembre, Nouveau tourisme: Rêver
Mieux, des suggestions pour le tourisme québécois. Quelle vision
commune, quels objectifs se donner?
Le 23 septembre, Nouveau tourisme: Agir ensemble! un
plan d’action précis pour nos organisations, nos travailleurs et nos
entreprises en tourisme.
LA VIDÉO 12 minutes
VERSION COMPLÈTE
TABLE DES MATIÈRES
1. LES TOURISTES
2. LES ENTREPRISES TOURISTIQUES
3. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE INSOUTENABLE
4. ENVIRONNEMENT ET CLIMAT
5. LE MONDE CHANGE RAPIDEMENT. ET NOUS?
1. LES TOURISTES
De tous les journalistes, blogueurs et touristes qui se sont donné le
mandat de juger le tourisme depuis quelques mois, le plus articulé fut sans
doute Christian Rioux du Devoir, le 24 juillet dernier:
«Le temps d’un intermède, la pandémie aura donc rendu nos paysages et
nos villes à leurs habitants. Du moins à cet état, non pas d’avant les voyages,
mais d’avant ce tourisme de masse qui déferle sur le monde depuis quelques
décennies et que l’on affuble de ce nom, aussi affreux qu’étrange, d’industrie
touristique...
Voilà donc cette «industrie» confrontée à la pire crise de son histoire.
En quelques jours, tout s’est effondré. Avec l’arrogance caractéristique des
nouveaux riches, les professionnels du tourisme étaient pourtant convaincus
qu’ils étaient à l’abri de tout…
L’épidémie nous réapprendra-t-elle l’art de voyager? On peut en douter.
Tout au plus, l’exode de ce mois de juillet vers la Gaspésie, le Lac-Saint-Jean
ou l’Abitibi pourrait-il permettre aux Québécois de redécouvrir un pays et des
régions qui valent mieux, tellement mieux, que ces ailleurs de carte postale.»
Je crois qu’au contraire de M. Rioux, une portion élevée de voyageurs
durant le confinement réalisa la fragilité de la vie, l’importance de la
nature dans nos vies et la chance que nous avons de voyager. On voyait le
retour partout des animaux: pour la 1re fois depuis des décennies, les poissons
dans les canaux de Venise, le mont Himalaya de l’Inde, la jeune baleine dans le
port de Montréal et même en mer, en juin dernier, une baleine et un orignal à
Havre St-Pierre, voyez ici ces images impossibles!
Un tourisme plus lent, plus vert, plus long comme en train, en vélo ou
en auto priorisant les expériences locales, la Nature et le mieux -être va
devenir un comportement généralisé. On va réapprendre à voyager autrement. La
hausse du coût des billets d’avion conjugué à la désapprobation d’utiliser
l’avion («flygskam» - en suédois : la «honte de voler») lorsque non nécessaire,
fera chuter notre habitude de faire de multiples courts voyages et éloignées
par année…surtout que maintenant, les touristes savent qu’ils peuvent rester
«coincés» longtemps dans un pays étranger.
Mais avant mars 2020, le monde était devenu un supermarché touristique,
approvisionné en lieux merveilleux, mais dont l’authenticité que le voyageur y
cherche pour se convaincre qu’il a fait une découverte extraordinaire et qu’il
n’est pas un touriste, est souvent contestable et relève de la mise en scène.
Ceci étant dit, ces tendances s’accélèrent:
- De tout temps, la
forêt et ses activités de plein air produisent chez les humains
un mystérieux effet d’attraction, à la fois enchanteresse et redoutée,
porteuse d’une charge symbolique puissante et lieu de ressourcement, de
spiritualité.
- Slow tourism: contempler, vivre nos
sens: nous nous transformons en voyage lorsque nous sommes moins distraits
par toutes sortes d’activités. Nous sommes en paix, disponibles à la
transformation lorsque nous sommes concentrés. C’est ce que le confinement
a fait réaliser à plusieurs; ce qui va se décliner dans leurs prochains
voyages. Ce qui n’empêche pas de nombreux touristes à un défoulement pur
et simple comme on l’a vu cet été…
- Voyages à faire avant de
mourir:
certains touristes vont abandonner les voyages longue distance, mais de
nombreux autres sont à planifier les voyages «de leur vie», une courte
liste de longs séjours. La géniale application de l’agence
américaine Virtuoso frappe en plein dans ce segment très
prometteur.
- Des voyages de sens: tout comme pour
l’attrait de la nature, les voyageurs (contrairement aux touristes)
veulent vivre de véritables expériences, même si ce terme est largement
galvaudé et les expériences transformationnelles, l’exception plus que la
norme. Réussir à créer des expériences humaines enrichissantes devrait
être la priorité du Québec, alors que notre potentiel est élevé.
«C’est pourquoi les gens parlent de leurs voyages comme d’expériences
forcément enrichissantes. Exemple classique: les pèlerinages à
Saint-Jacques-de-Compostelle. Prenez 10 000 pèlerins et tous vous diront que
cette aventure a été "un moment incroyablement enrichissant de [leur]
vie". Mais est-ce vraiment le cas? En définitive, l’expérience demeure
passablement superficielle; vous faites ce que 10 000 autres personnes ont fait
avant vous et feront après vous. Un peu comme cette photo où votre conjoint
fait mine de soutenir la tour de Pise.» - Le philosophe néerlandais
Ruud Welten
«Le tourisme, d’une certaine manière, c’est le pur produit du
capitalisme. C’est une structure globale liée au phénomène de mondialisation.
Ce que le tourisme a opéré comme transformation, c’est que voyager est devenu
un plaisir. Avant, c’était une épreuve où on devait affronter l’isolement, la
fatigue corporelle, les intempéries, les dangers, l’inconfort… Et pour en faire
un plaisir, une espèce d’hédonisme contemporain, le tourisme a aménagé le réel
pour le rendre accueillant, propice à satisfaire les attentes diversifiées de
la clientèle, des normes de sécurité, des normes de qualité, etc. Cela tend à
faire des sites touristiques des lieux standardisés, avec des infrastructures
qui sont là pour nous et qui transforment souvent les lieux en galerie commerciale
à ciel ouvert.»
«Je ne suis pas certain que le tourisme contribue à l’ouverture des
esprits. Aujourd’hui, si on regarde bien les organisations touristiques, ce
sont souvent des lieux fermés. La mise en circuit des lieux touristiques, avec
les itinéraires, bien souvent l’autre est réduit à être un prestataire de
services». - Le sociologue français Rodolphe Christin dans son livre «La
vraie vie est ici. Voyager encore?» qui vient de paraître
bbc.com/travel/story/20200611-pico-iyer-on-the-secret-of-immersive-travel
- Le surtourisme et la
tourismophobie
Avec un million de visiteurs par an pour 750 résidents, le village d’Hallstatt en Autriche pouvait se targuer de rivaliser
avec Venise et Barcelone au nombre de touristes par habitant. Avec la COVID,
ils sont en train de réaliser ce qu’ils avaient perdu en qualité de vie et en
respect de l’environnement... Le surtourisme ne disparaîtra pas. Les voyages
vers le ud et les croisières vont toujours avoir la cote grâce au rapport
qualité/prix imbattable, mais un rééquilibre s’effectuera sous la pression des
résidents et des touristes eux-mêmes... On verra l’accélération de mesures
limitatives: prix d’entrée, réservation obligatoire, répartition des volumes
sur les jours de semaine ou les mois hors-pointe, répartition dans l’espace,
etc. Un pays comme le Bhoutan, l’une des dernières destinations à la mode
encore bien préservée, a limité les visas à une centaine de milliers par an,
avec un gros prix à l’entrée, en disant viser la qualité du tourisme plutôt que
sa quantité. Venise impose une «taxe de débarquement» allant jusqu’à 10 euros
(15$) à chaque passager de paquebot. Amsterdam a adopté une série de mesures
pour stopper l’envahissement de Leidseplein, Rembrandtplein et son «red-light
district» où trop de fêtards terminaient leur soirée en vomissant dans un coin
ou en pissant dans les canaux. Même les gestionnaires des célèbres sentiers de
randonnée des Cinque Terre sur la riviera italienne s’y sont mis, interdisant
les sandales et les gougounes. Avec 2,5 millions de vacanciers pour 4000
habitants, la surfréquentation prend là tout son sens.
Et le Québec n’est pas épargné. Je sonnais l’alarme en mars 2017, incluant auprès de l’OTQ mais
pas de réactions… plus tard, le maire Labeaume s’est rendu compte lui-même de cet enjeu
lors d’un voyage en Pologne en 2019.
«Beaucoup de commerçants et de restaurateurs du Vieux-Québec ont misé
sur le volume et sur l’argent facile d’un tourisme de masse rapide», écrivait Francois Bourque dans Le Soleil, le 24 juillet dernier.
La recherche de l’équilibre entre les habitants et les touristes connaît une accélération, et une généralisation de la réservation obligatoire pour les lieux les plus visités du monde est maintenant incontournable. Même AirBnB, symbole de ce surtourisme et conscient de l’être, va devoir se transformer.
- Écarts de richesse des touristes potentiels. Les frontières vont s’ouvrir tôt ou tard, mais les portefeuilles se refermeront (sans PCU!) sauf pour les plus riches qui ont bénéficié de la pandémie (voyez les rendements exceptionnels à la Bourse!). La crise économique, elle, ne prendra pas de vacances. Même si on en sort bien au Québec dans notre relance et en emploi en général (pas en tourisme, qui connaîtra encore une situation catastrophique pour longtemps), ce ne sera pas le cas ailleurs, dont aux États-Unis, et le dopage artificiel des revenus des ménages canadiens ne durera pas. On sera donc impactés économiquement de toute manière. Bref, avec des frontières ouvertes, le tourisme de luxe croîtra rapidement dès l’arrivée des vaccins/médicaments, mais pour le reste, le retour à nos volumes de 2019 prendra beaucoup de temps…
2. LES ENTREPRISES TOURISTIQUES
On n'a jamais autant parlé du tourisme, des régions et des PMEs que
cette année… Bizarrement, dans notre crise touristique actuelle – la pire
depuis que le tourisme commercial existe – on reconnaît comme jamais
l’importance fondamentale du tourisme dans les économies des destinations. On a
connu un déconfinement bordélique et une promotion touristique trop tardive et
anémique au Québec, avec au final une saison estivale intense dans nos régions,
mais catastrophique à Québec et à Montréal.
Un retour à une «normale» en tourisme - avec des fermetures certaines
d’entreprises - ne peut se faire sans vaccin ou médication efficace. Et de quelle normalité parle-t-on?
«The unprecedented
low-demand environment will cause some hotel owners to walk away from the
industry. CBRE expects 60,000 hotel rooms, or a little over 1 percent, of the
U.S. hotel supply will permanently close next year. New York City could be well
on its way to seeing 20 percent — roughly 25,000 hotel rooms — of its hotel
supply shut down for good.» -
Skift, 30 juillet 2020
Le tourisme sera durablement affecté par la COVID-19. D’une part, en
raison des contraintes sanitaires et de distanciation physique additionnelles qui
vont grever, au moins pour un temps, la rentabilité des PME. D’autre
part, la crainte d’une crise économique forte et durable peut
induire des choix de consommation défavorables aux loisirs de la part des
consommateurs.
Vieux-Québec. Achalandage à l’image de l’été qui vient de passer...
Pour le tourisme d’affaires, si essentiel à Montréal et à Québec, la
vidéoconférence semble avoir fait des percées importantes en tant que substitut
aux réunions en personne. Nous sommes devenus des «Zoombies». Les
voyageurs d’affaires ont apprécié le confinement et le télétravail pour la
qualité de vie. De plus, les entreprises demeurent fragilisées par
l’incertitude économique. Voici la prévision parue dans le magazine Skift du CEO Ed Bastian de
Delta Airlines:
En règle générale, une nouvelle saison de voyages d'affaires débuterait
en septembre, Delta transitant du transport de vacanciers vers les voyageurs
d’affaires fréquents. Delta s'attend à ce que certains voyageurs d'affaires
reviennent après la fête du Travail, mais Bastian a déclaré que la compagnie
aérienne ne comptait pas sur une reprise significative parmi les voyageurs
d'affaires pendant un an à 18 mois. Certains ont prédit qu'une grande partie des
voyages d'affaires serait remplacée par des vidéoconférences, mais Bastian a
déclaré qu'il ne s'attend pas à ce que la forte baisse du trafic d'entreprises
soit permanente.
Pourtant, a-t-il dit, les types de voyages que font les voyageurs
pourraient se transformer. «Au cours des cinq dernières années, de nombreux
clients de Delta furent très prompts à prendre l'avion, et certains pouvaient
voyager pour une réunion de deux heures seulement, payant souvent beaucoup
d'argent pour un siège premium. Certains de ces voyages pourraient ne jamais
revenir», a déclaré Bastian.
Du côté de l’Australien Qantas, ce n’est guère mieux, alors que
son CEO Alaon Joyce mentionnait il y a deux semaines que leurs
vols vers les États-Unis ne reprendraient pas avant la fin 2021 si vaccins et
médicaments pour la COVID-19 sont éprouvés…
L’aérien ne reviendra jamais comme avant… pas juste à cause de la
COVID-19. De 2014 à 2019 furent les seules 5 années où les transporteurs ont pu
couvrir leurs coûts en capital depuis qu’Orville et Wilbur
Wright effectuèrent leur premier vol en 1903.
Warren Buffett, l’investisseur milliardaire mythique, a annoncé
récemment que plus jamais il n’investirait dans les compagnies aériennes: «Un
capitaliste le moindrement avisé, qui aurait été présent à Kitty Hawk en 1903,
aurait rendu un grand service à ses successeurs en abattant l‘avion d’Orville!» Il
vient de perdre 1 MM$ en vendant ses parts d’American Airlines. «Le monde a
changé avec la COVID-19» raisonne-t-il…
Sans aérien, peu de tourisme international au Québec, et ce, sans
compter, comme je l’écrivais récemment, l’enjeu crucial de l’acquisition de
Transat AT par Air Canada. Si AC avale AT, le tourisme au Québec sera perdant,
je vous le prédis.
Dans le secteur de l’hébergement, plus simple que l’aérien,
on passe de la grande personnalisation des services avec un maximum d’employés
en contact avec les visiteurs vers un gestion informatisée maximale pour tous
les points de contacts. Les hôtels deviennent des lieux aseptisés comme les partenariats Hilton/Lysol et Four Seasons/
«Johns Hopkins Medicine» le démontrent.
Pour la restauration – si essentielle pour
les visiteurs – avec la fermeture des terrasses bientôt et les règles
de distanciation en place, le cauchemar se poursuit. Comment rendre à nouveau
l’expérience culinaire plaisante et rentable pour le restaurateur? Là est toute
la question.
Le défi des organisations en tourisme, comme l’Alliance et les ATR/ATS,
sera de transformer leur mise en marché en fonction de nouvelles
variables (frontières, vaccins, fermetures de PME, crise économique,
etc.). Une très grande flexibilité et rapidité d’exécution
sont dorénavant des conditions essentielles de succès. Ce qui est contraire, en
général, à leur culture.
Un avis personnel, si vous me le permettez: l’aura des influenceurs/vlogueurs/blogueurs,
vecteurs du surtourisme et de fausses expériences touristiques, va fléchir
grandement, car ils ne sont trop souvent que de gros égos sur 2 pattes qui
«s’autoportaitent» dans une multitude de clichés entendus, toujours
«exceptionnels» selon eux. «J’y suis allé, je l’ai fait, je me regarde,
regardez-moi». L’opposé de tourisme de sens et transformationnel.
3. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE INSOUTENABLE
Ce n’est pas juste moi qui le dit et pas que des gens de la gauche
politique: même des gouverneurs de banques centrales, le FMI et la Banque
mondiale appuient sur le bouton panique; c’est tout dire!
Le traitement de nos «anciens» dans les CHSLD nous a montré comment
l’intérêt commun est passé second dans nos préoccupations au fil des dernières
décennies dans le contexte de la mondialisation, de l’impératif de notre cote
de crédit étatique établie par les grandes agences de New York, du profit privé
à tout prix et de l’individualisme.
Nous vivons actuellement au Québec et au Canada encore dans une bulle
alors qu’en pleine pandémie, on s’enrichit avec les plus généreux programmes de
soutien d’urgence de la planète, mais dans la réalité:
- La crise économique
provoquée par le coronavirus pourrait être la plus dévastatrice depuis 150
ans. Selon la Banque mondiale, le PIB planétaire pourrait se contracter de
5,2% en 2020
- La Banque mondiale estime ainsi qu’entre 70 et 100 millions
de personnes pourraient basculer dans l’extrême pauvreté, effaçant ainsi
les progrès réalisés ces trois dernières années dans la lutte contre la
pauvreté.
- Selon le Bureau du directeur parlementaire du budget canadien, le «1%» des citoyens
détient environ 25,6% de la richesse au Canada. Ne soyons pas surpris que
la semaine dernière Rolls-Royce lançait son modèle Ghost à 390 000$ CAD +
taxes, équipé d’un moteur bi-turbo V12 de 6,75 litres.
- «Aujourd’hui pour la
première fois dans l’histoire du monde, il y a assez de biens pour assurer
le bien-être matériel de tous les habitants de cette planète. Mais la
distribution n’est pas organisée de façon juste et équitable.» - Ziegler, 2020
- Le salaire minimum aux États-Unis en 2020, ajusté à l’inflation, est
plus bas que dans les années 1960…
- Selon la Banque mondiale:
l’année dernière, les 500 plus grandes sociétés transcontinentales
privées, tous secteurs confondus, ont contrôlé 52,8% de toutes les
richesses produites sur la planète. Elles dictent leurs lois aux États les
plus puissants, qui dépendent d’elles. Oxfam affirme que les huit
milliardaires les plus puissants du monde ont autant de fortune
que les 2,7 milliards d’êtres humains les plus pauvres.
- «Tous ces combats dans
lesquels nous sommes engagés, que ce soit le combat contre les violences
policières, contre le dérèglement climatique ou pour une économie juste,
sont liés. Je crois que beaucoup de gens ont ressenti d’une manière très
viscérale, lors de cette crise, à quel point notre système économique est
en guerre avec la vie sur Terre. Car lorsque l’économie s’arrête, nos
systèmes naturels commencent à récupérer. Nous avons besoin d’un
réalignement entre les deux…» - La Canadienne Naomi Klein
Au-delà de la crise engendrée, c’est notre modèle économique lui-même
qui est rendu insoutenable: «…d’un capitalisme aujourd’hui gangrené par la
finance, les inégalités et la destruction de l’environnement…» - Michel Aglietta est conseiller scientifique au Centre
d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII)
Selon le Fonds monétaire international, les investisseurs dans les marchés
boursiers ne tiennent aucunement compte de la menace que font peser les
bouleversements climatiques, pas même sur leurs placements. À l’évidence, «les
investisseurs boursiers dans la plupart des économies ne font pas suffisamment
attention aux variables climatiques [et] ne prêtent pas suffisamment attention
non plus aux risques liés aux changements climatiques».
La planète et la majorité des humains ne peuvent plus adhérer à
l’insoutenable croissance du PIB. Le modèle actuel de mondialisation
ne peut tenir la route sans une transformation véritable. Voyez par
exemple la nouvelle du 31 juillet dernier relative à Walmart au Québec:
À compter de septembre, Walmart amputera de 1,25% ou 6,25% les montants
payés à ses fournisseurs selon que les produits sont vendus en magasin ou sur
le Web. La décision de Walmart de réduire les paiements à ses fournisseurs pour
éponger une partie de ses investissements a déjà fait des petits. Une semaine
après cette annonce mal reçue, voilà que l’entreprise qui négocie les prix pour
Metro, Super C, Dollarama et Couche-Tard, notamment, s’attend à bénéficier des
mêmes «rabais» que ceux consentis au géant américain. Beau modèle de
développement durable pour les fournisseurs de services québécois!
Plusieurs croient fermement que les changements à ce modèle ne pourront
venir de ceux qui en profitent le plus:
«Un grave obstacle prive la société mondiale des pensées et des
compétences nécessaires pour sortir d’une économie de croissance rapide. Les
élites dirigeantes actuelles du monde profitent à court terme de la
préoccupation générale d’augmenter le PIB et de l’accent étroit mis sur les
mesures financières pour atteindre cet objectif.
Comme ces élites sont pour la plupart myopes, elles utiliseront toutes
leurs ressources pour bloquer les efforts visant à inverser la croissance, à
diversifier les mesures de bien-être social et à réduire leur propre richesse
et leur influence.
La mascarade du progrès indéfini n’est soutenue aujourd’hui qu’en
redéfinissant continuellement la croissance – en donnant de plus en plus de
poids aux transactions financières qui ne produisent pas de richesse réelle, en
donnant de moins en moins de poids aux aliments, aux services et aux
productions de biens qui augmentent la richesse réelle; plus de poids au coût
de la réparation des dommages, moins de poids aux dommages environnementaux qui
nuisent à la vie humaine.
En fait, le véritable bien-être de la personne moyenne sur cette planète
est en déclin depuis quelques années.
Cela ne signifie pas que la croissance se poursuivra indéfiniment. Cela
signifie plutôt que la fin de la croissance sera imposée à la société par des
facteurs échappant au contrôle des élites, tels que la diminution de la
disponibilité de l’énergie, la baisse de la qualité des ressources, les
perturbations croissantes dues au changement climatique, la baisse des rendements
agricoles due à la perte de terres arables, le coût croissant des services
environnementaux – eau potable, air respirable, températures permettant de
survivre – et, peut-être, les troubles civils causés par le déclin de la
cohésion sociale résultant d’inégalités massives.» - Dennis Meadows, Club de Rome
«La mondialisation productiviste, extractiviste et consumériste, en tant
que telle, n’est pas viable. Et l’impératif de croissance financière qui la
gouverne ne constitue pas un critère pertinent pour organiser l’activité
sociale. Ce ne sera pas le fait d’une décision, ni même d’une volonté populaire
souveraine: nous changerons de paradigme dans ce siècle, car il le faudra,
quitte à le subir. La modération, la frugalité, l’instauration de circuits
courts, le développement de régimes démocratiques régionaux, la création
d’objets durables et réparables s’imposeront à la manière de nécessités. Ils
appartiendront au registre de ce qu’Hannah Arendt associe à des forces de
l’histoire, plutôt qu’à des gestes d’origine politique.» - Alain Deneault
Les gouverneurs de plusieurs banques centrales soulignent qu’à moins
d’agir maintenant, «la crise climatique sera le scénario privilégié de demain
et que, contrairement à la COVID-19, personne ne pourra s’isoler pour
l’éviter». Le temps de réflexion collective ouvert par cette pandémie, qui
découle en partie des atteintes à la biodiversité, nous invite à restructurer
autrement notre économie afin d’atteindre les cibles de réduction de GES et de
réduire notre empreinte écologique globale. (Le Devoir, 7 juin).
Comme le suggère Mark Carney, successivement gouverneur de la Banque du
Canada et de la Banque d’Angleterre, dans un article récent paru dans The
Economist, le moment est propice pour revoir la hiérarchie des valeurs guidant
notre «vivre-ensemble» «…putting values above valuations».
Soudainement, le paradoxe entre une nécessaire autosuffisance des pays
et leur interdépendance reçoit un nouvel éclairage. En effet, alors que le
manque d’équipements permettant de faire face à la pandémie souligne
l’importance de développer une autonomie nationale, l’interdépendance entre les
régions du monde et les pays est également réaffirmée. La question de la
gouvernance mondiale refait surface, puisque seules des solutions harmonisées
permettraient d’affronter des défis aussi complexes qu’une pandémie ou
l’urgence climatique à laquelle nous sommes déjà confrontés. Le film magnifique
de Denis Villeneuve, Arrival, fait figure de métaphore, sinon de
prémonition, indiquant que des solutions coordonnées et planétaires ne semblent
pas pouvoir être imaginées à moins que des menaces extérieures nous y obligent.
(The Economist, 18 avril 2020, p. 52).
On parle de plus en plus de démondialisation et d’un retour au
nationalisme économique afin de contrôler localement ce qui peut
l’être et ne pas dépendre des autres sur de multiples volets de notre vie. Ce
que fait Trump depuis des années et ce que propose en partie maintenant
François Legault (je n’aime pas mettre ces deux leaders dans la même phrase,
car j’ai trop de respect pour ce dernier). La COVID-19 nous oblige à repenser
notre rapport au monde, à la mondialisation et à l’ouverture des marchés.
L’ACEUM, l’Accord Canada–États-Unis–Mexique et l’Accord économique et commercial
global entre le Canada et l’Union européenne seront nécessairement remis en
question, surtout avec des objectifs environnementaux si différents.
Ce qu’il faut faire aujourd’hui, c’est démondialiser le secteur de la
santé et celui de l’alimentation et requalifier les salaires de ceux qui
assurent le bien-être de la population. Pour nous sortir de cette loi
désastreuse de la maximalisation du profit, il faut rapatrier la production. Et
enfin, établir des réseaux de solidarité.
J’aime bien la citation récente de la réputée avocate et gestionnaire internationale
Louise Arbour: «Il n’est pas nécessaire d’être animé par de grands sentiments
humanistes pour espérer un monde plus équitable. Il y va de nos intérêts,
autant que de nos idéaux. Ce que cette pandémie nous rappelle haut et fort,
c’est que personne n’est vraiment en sécurité tant que nous ne sommes
pas tous en sécurité».
4. ENVIRONNEMENT & CLIMAT
«On ne fait pas brûler notre maison avant de la donner à nos enfants.»
«Si on retrouve l’émerveillement et le respect face à la nature, on a
envie d’en prendre soin.» - Le moine boudhiste Mathieu Ricard
Même s’il est pénible, dans le contexte de la catastrophe actuelle dans
laquelle le monde touristique est plongé, de parler en même temps de «la
mère de toutes les crises» - celle rattachée aux changements
climatiques - nous n’avons pas le choix car rebâtir notre secteur sur les mêmes
base que la pré-COVID est suicidaire. Les gouvernements vont investir encore
des milliards de dollars dans les prochains mois et il s’agit d’une opportunité
rare, qui ne repassera pas deux fois (la machine à imprimer les billets va
manquer d’encre) pour créer un nouveau tourisme durable.
La Terre, depuis l’industrialisation (autour de 1720), s’est réchauffée
de 1 °C jusqu’en 2014. D’ici à 2032, les experts du GIEC des Nations-Unies estiment que la hausse sera de 0,5 °C avec
des conséquences catastrophiques. C’est dans 12 ans! Et que le monde
devrait s’être réchauffé de 3 °C à 5 °C à la fin du siècle. Pour
éviter une tragédie planétaire permanente, il faudrait réduire nos émissions de
GES de 50% d’ici à 2032 et à zéro en 2050. Or, cela implique des changements
rapides dans nos façons de vivre et de produire des biens. Pas dans 5 ou 6
pays, mais partout sur la planète….
Le «jour du dépassement de la Terre» qui marque le jour où l’humanité a
consommé toutes les ressources que les écosystèmes peuvent produire en une
année, est tombé le 22 août 2020 avec l’arrêt forcé du printemps, soit trois
semaines plus tard qu’en 2019. Nul doute qu’en 2021, cette journée sera à
nouveau autour du 1er août…
La baleine vedette dans le port de Montréal ce printemps est une
puissante allégorie de la nature qui reprend sa place quand l’humain limite sa
présence, mais dont la machine économique de la mondialisation (symbolisée par
le navire qui l’a tuée) nous rappelle qui a vraiment primauté sur cette Terre…
Autre symbole? Depuis 1995, il y a eu 6 débuts tardifs (janvier) des patinoires
extérieures à Montréal, alors que dans les 45 années précédentes, seulement à
une occasion…
Le courant-jet ralentit depuis quelques années et provoque les extrêmes
météo
À moins d’être double borgne ou complotiste, le dérèglement de notre
planète et de ses écosystèmes apparaît partout:
- Les abeilles et autres
pollinisateurs sont responsables du tiers de la nourriture sur nos tables.
Mais plusieurs populations de pollinisateurs sont menacées, en partie à
cause des insecticides qui nuisent à leur capacité de se diriger,
d'apprendre, à trouver de la nourriture et de se reproduire.
- L’ours blanc pourrait disparaître complètement à la
fin du siècle si le réchauffement continue…
- Depuis plusieurs décennies,
on constate non seulement une diminution de la biodiversité chez les
insectes, mais aussi une accélération de cette baisse. Il faut prendre
acte de la situation le plus rapidement possible pour éviter qu’on
atteigne un point de rupture, un effondrement. - Maxim Larrivée, directeur de l’insectarium de Montréal
- Existe-t-il d'autres espèces
aussi canadiennes que l’orignal et le castor? Oui, révèle un nouveau
rapport qui montre que pas moins de 308 espèces et sous-espèces
animales et végétales ne se trouvent que sur le territoire
canadien, et nulle part ailleurs sur la planète. Protéger ces espèces est
la priorité du Canada dans sa lutte contre la perte de la biodiversité
mondiale. La conséquence de notre échec à les protéger est l’extinction.
- «On passerait du royaume du
sapin de Noël au royaume de l'érable, si on en croit les processus des
changements climatiques.» Les prochaines générations vont voir une
forêt boréale qui est différente, affirme Évelyne Thiffault, professeure au Département des sciences du
bois et de la forêt à l'Université Laval, alors que les compagnies
forestières préfèrent et replantent essentiellement des essences de
résineux.»
- Sept municipalités sur dix contaminent les rivières au Québec, selon une étude récente par
la Fondation Rivières.
- Niveau de la
mer. Si
l’émission de GES se poursuit tel qu’actuellement, en 2050, plus de 204
millions de personnes le long des côtes seront à risque. Plus de 253
millions en 2100.
- Vous en voulez plus? Abonnez-vous au compte-rendu quotidien de la «Federal
Emergency Management Agency» américaine, reçu presque tous les matins par
courriel. Voici un résumé du 5 août dernier: L'ouragan Isaias,
qui venait de labourer la côte Est, coupant l'électricité à des millions
de foyers dans une douzaine d'États; les incendies de forêt en
Californie et au Nevada; le risque d'«orages violents» dans les
plaines centrales; certaines parties du Texas attendent toujours les
évaluations des dommages causés par l'ouragan Hanna le
week-end dernier; et, bien sûr, la COVID-19, la maladie causée
par le nouveau coronavirus, qui a tué 155 204 Américains, selon le dernier
décompte de l'agence.
«…Cependant, l’augmentation constante des phénomènes extrêmes ne peut s’expliquer
uniquement par la variabilité naturelle du climat. Il faut donc faire
intervenir un autre facteur, en l’occurrence le réchauffement planétaire, qui
entraîne des modifications au sein du climat, ce qu’on appelle le changement
climatique. Le changement climatique est donc provoqué par le réchauffement
planétaire et non l’inverse. Jusqu’à maintenant, nous avons discuté de ce qu’on
appelle la dynamique de l’atmosphère. Parallèlement, pour ce qui est de la
température et de l’humidité, on note qu’avec l’augmentation des températures,
il en résulte un accroissement de la quantité de vapeur d’eau dans
l’atmosphère. Cela est dû au fait que plus l’air est chaud, plus il peut
contenir de vapeur d’eau. Par conséquent, plus l’atmosphère contient de la vapeur
d’eau, plus le potentiel de voir apparaître des précipitations abondantes
augmente.
Compte tenu de l’augmentation des températures à l’échelle mondiale,
l’atmosphère adopte donc un nouvel état d’équilibre climatique qui se traduit
par une augmentation des événements météorologiques extrêmes.»
À moins d’être un Trumpiste, la preuve scientifique du réchauffement de
notre planète par l’activité humaine n’est plus à faire. J’en faisais référence dans cet article de mars 2019.
«Les gens commencent à réaliser que nous ne pouvons détourner notre
regard de ces choses-là. On ne peut balayer ces injustices sous le tapis. Et
même si les pays réduisent la carbone tel que promis, on se dirige tout de même
vers une hausse catastrophique des températures de 3 à 4 degrés…» - Greta Thunberg
Le respect par le Canada de ses promesses de réduction des gaz à effet
de serre (GES) pourrait sauver plus de 100 000 vies et créer 1,3 million de nouveaux emplois
durables entre 2030 et 2050, conclut un rapport dévoilé le 14 juillet par
une coalition de 17 associations de professionnels de la santé québécois et
canadiens.
La climatologue québécoise Corinne Le Quéré est
professeure à l'Université d'East Anglia, au Royaume-Uni. Elle est membre de la
prestigieuse société savante Royal Society qui regroupe les grands
scientifiques de la planète.
Elle affirmait, le 21 mai dernier à Radio-Canada: «Aussitôt que
le confinement va se lever, les émissions vont rebondir très près de leur
niveau précédent - les émissions de gaz à effet de serre (GES) - Quand on émet
du CO2, environ la moitié est absorbée relativement rapidement par les océans
et par la biosphère terrestre. Mais l’autre moitié reste dans l’atmosphère et
prend beaucoup de temps à partir.
Ce CO2 qui est dans l’atmosphère, c’est lui qui absorbe le rayonnement
terrestre et qui fait en sorte que la planète se réchauffe. C’est le principal
gaz à effet de serre responsable des changements climatiques aujourd’hui. La
pollution, ça ne reste pas dans l’atmosphère très longtemps. Le CO2 reste dans
l’atmosphère une centaine d’années. Quand on émet du carbone, ça reste là
longtemps. Mais la pollution, non.
Il faudrait ramener les émissions mondiales à zéro d’ici 2050 ou 2070.
Ça veut dire une réduction de 3% par année, voire plus si on est plus ambitieux
par rapport aux objectifs climatiques. On ne peut pas le faire sans
restructurer l’économie…»
Comme nous allons l’invoquer plus longuement dans cette trilogie, il
existe de multiples solutions:
- Planter de arbres, mais cela ne peut à lui seul renverser le
changement climatique. Les forêts boréales du Canada représentent
25% des forêts restantes du monde, «Par acre, elles stockent
environ deux fois plus de carbone que la forêt amazonienne.» Plus de
80% de ce carbone est stocké dans les sols boréaux. La coupe à
blanc perturbe le sol et libère le carbone dans l'atmosphère. Alors que
l'industrie a longtemps soutenu que les forêts récoltées retrouveraient
éventuellement leur capacité à séquestrer le dioxyde de carbone si de
nouveaux arbres étaient plantés, Skene a souligné le contraire. Elle a
cité une étude récente dans le nord de l'Ontario, selon laquelle 14% des
zones de coupe à blanc ne repousseront tout simplement pas, même des
décennies plus tard. Les routes forestières et autres infrastructures
utilisées pendant la récolte compactent le sol et le rendent inutile pour
la replantation. Sans ces forêts qui repoussent, davantage de dioxyde de
carbone se retrouve dans l'atmosphère. Skene a déclaré que si la
déforestation en Ontario se poursuit au rythme actuel, d'ici 2030, 41
millions de tonnes métriques supplémentaires de carbone qui auraient pu
être capturées par les forêts boréales se retrouveront dans l'atmosphère.
C’est l’équivalent de près de neuf millions de voitures sur la route
pendant un an.
Source: thenarwhal.ca/canada-clearcut-logging-boreal-forest-report
- Même cesser toutes nos
émissions de GES ne suffirait pas. Nous devons activement les
retirer de l’atmosphère. L'une des idées sur la façon d'y parvenir
s'appelle BECCS - bioénergie avec captage et stockage du carbone. Cela
signifie cultiver des cultures qui absorbent le CO2, puis les brûler pour
produire de l'électricité tout en captant et en enfouissant le carbone
produit. Une autre technologie qui a suscité beaucoup d'intérêt est la
capture directe d'air (DAC), où les machines extraient le CO2 directement
de l'atmosphère. Un certain nombre d'installations expérimentales de cette
idée ont été mises en œuvre avec succès, notamment en Suisse, en Norvège
et au Canada.
- L’hydrogène d’origine
décarbonée, recommande le rapport: «en investissant dans leur
commercialisation, gouvernements et entreprises s’assurent une croissance
sur le long terme».
- Technologies de stockage,
véhicules électriques et stations de recharge, réseaux intelligents,
efficacité énergétique dans le chauffage et la climatisation… L’excellent résumé qu’en a fait Bill Gates récemment est
éclairant:
«Nous voulons que plus de personnes et de marchandises puissent voyager.
Pour certaines des personnes les plus pauvres du monde, les produits comme
l’essence, le diesel et même le carburéacteur sont la norme pour une raison:
ils peuvent vous faire voyager pour un faible coût par gallon.
Alors, comment comblons-nous exactement notre besoin de nous déplacer
sans émettre de gaz à effet de serre? La réponse est simple, même si cela ne
sera pas possible: utiliser de l’électricité propre pour faire
fonctionner tous les véhicules que nous pouvons et obtenir des carburants
alternatifs bon marché pour tout le reste.
Les batteries qui les alimentent ont connu une baisse de prix de 85%
depuis 2010, de sorte qu'elles deviennent plus abordables à l'achat (même si
elles sont toujours plus chères que les options à essence). Les véhicules
électriques ne seront probablement jamais une solution pratique pour des
véhicules comme les 18 roues, les bateaux-cargos et les avions de passagers.
L'électricité fonctionne lorsque vous devez parcourir de courtes distances,
mais nous avons besoin d'une solution différente pour les véhicules lourds et
long-courriers. Les biocarburants avancés d’aujourd’hui sont
très différents de ceux de première génération dont vous avez entendu parler,
comme l’éthanol. Certains sont fabriqués à partir de plantes qui ne sont pas
cultivées pour la nourriture, donc ils ont besoin de peu ou pas d'engrais (qui
sont, vous en conviendrez, un grand émetteur de gaz à effet de serre). D'autres
sont fabriqués à partir de sous-produits agricoles, comme les tiges de maïs et
la pulpe qui sert à la fabrication du papier. Certains de ces carburants
peuvent même être utilisés dans les moteurs existants sans qu'aucune
modification ne soit nécessaire.
Les électrocarburants constituent un autre type de carburant alternatif.
En utilisant l'électricité pour combiner les molécules d'hydrogène dans
l'eau avec le carbone dans le dioxyde de carbone, nous pouvons créer un
carburant liquide qui fonctionne dans les moteurs existants. Le dioxyde de
carbone utilisé par ce procédé est capturé directement de l’atmosphère, de
sorte que la combustion d’électrocarburants n’ajoute pas aux émissions
globales. Ils sont cependant très chers. Selon le carburant que vous remplacez,
les électrocarburants peuvent coûter de 3 à 7 fois plus cher que les carburants
fossiles. Et comme pour les VE, l'électricité utilisée pour les créer doit
provenir de sources zéro carbone pour être une vraie solution.»
- Eau : gestion de cette
ressource et non privatisation à la Nestlé
- Modèle français de «Zones à défendre (ZAD)»
Pour Bill Gates, qui nous avait averti de la pandémie à venir il y a quelques années,
sans qu’on y porte attention (sauf moi en fausse humilité… voir mon texte de février 2017 ICI) , les prévisions
relatives aux changements climatiques sont les suivantes:
«On sait que la semaine dernière, plus de 600 000 personnes sont mortes
de la COVID-19 dans le monde. Sur une base annualisée, c'est un taux de
mortalité de 14 pour 100 000 personnes.
Comment cela se compare-t-il aux changements climatiques? Au cours des
40 prochaines années, les augmentations des températures mondiales devraient
augmenter les taux de mortalité mondiaux du même montant - 14 décès pour 100
000 habitants. D'ici la fin du siècle, si la croissance des émissions reste
élevée, le changement climatique pourrait être responsable de 73 décès
supplémentaires pour 100 000 habitants. Dans un scénario d'émissions plus
faibles, le taux de mortalité tombe à 10 pour 100 000. En d'autres termes,
d'ici 2060, le changement climatique pourrait être tout aussi mortel que la
COVID-19, et d'ici 2100, il pourrait être cinq fois plus meurtrier.
Il faudra des décennies pour développer et déployer toutes les solutions
d'énergies propres dont nous avons besoin. Nous devons créer un plan pour
éviter une catastrophe climatique - utiliser les outils zéro carbone dont nous
disposons actuellement, développer et déployer les nombreuses innovations dont
nous avons encore besoin et aider les plus pauvres à s'adapter à l'augmentation
de température déjà inévitables.»
Concernant l’état général de la planète, à l’heure actuelle, 75% de la surface
terrestre est altérée, 66% des océans subissent des impacts cumulatifs
croissants et plus de 85% de la surface des milieux humides ont disparu[2].
Jusqu’à un million d’espèces différentes sont menacées de disparition[3] et
60% des populations de mammifères, oiseaux, poissons, reptiles et amphibiens
ont diminué. Cette situation est critique pour la nature, mais aussi pour la
santé et le bien-être humains. À titre d’exemple, à l’échelle mondiale, entre
235 et 577 millions$ des cultures agricoles sont à risque à cause de la
disparition de pollinisateurs.
Spécifiquement au Québec, seulement 10,7% du milieu terrestre et
1,3% du milieu marin sont protégés, alors que l’un des objectifs fixés
dans le cadre de la stratégie de la Convention sur la diversité biologique des
Nations-Unies (objectifs d’Aichi) pour protéger la biodiversité et les
écosystèmes visait à avoir protégé 17% des territoires terrestres et 10% des
milieux côtiers et marins en 2020. À ce jour, 38 espèces fauniques et 78
espèces floristiques ont été désignées menacées ou vulnérables, et 115 espèces,
sous-espèces ou populations de la flore et 433 espèces de la flore sont
susceptibles d’être désignées comme tel.
Au Québec, le commissaire au développement durable, Paul Lanoie, a
documenté l’indifférence de l’ensemble du gouvernement quand il est question de
considérer ces instruments économiques pourtant essentiels à l’atteinte de
l’objectif du gouvernement Legault de diminuer de 37,5% les émissions de GES en
2030 par rapport à 1990. Cette cible est en deçà, rappelons-le, de ce que
recommande le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
(GIEC) pour éviter la catastrophe climatique, soit 50% pour 2030 et zéro
émission en 2050. Le commissaire relève que les centaines de programmes d’aide
financière gouvernementale, qui représentent un débours de 7,6 milliards par
an, ne comprennent que très rarement des critères d’écoconditionnalité
ou d’écoresponsabilité.
Selon la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les
services écosystémiques, cinq facteurs directs sont responsables des impacts
les plus lourds sur l’environnement à l’échelle mondiale. Dans l’ordre
décroissant, il s’agit de:
- la modification de
l’utilisation des terres et des mers;
- des changements climatiques;
- de la surexploitation
directe des organismes et des ressources naturelles (par ex.: chasse,
pêche, foresterie);
- de la pollution;
- des espèces exotiques
envahissantes.
Ces dernières années, les cris d’alerte se sont multipliés pour dénoncer
l’empreinte écologique des transports ou encore les méfaits du tourisme de
masse, qui met sous tension les ressources, déséquilibre les écosystèmes
locaux, met en péril les sites naturels et patrimoniaux, contribue au
déplacement des populations et engendre de nombreux désagréments dans la vie
quotidienne des résidents. Osons le dire: la transition écologique et
le tourisme responsable sont incompatibles avec la massification des voyages.
Ce que la science dit avec insistance depuis plusieurs années, c’est
qu’il faut laisser les combustibles fossiles dans le sol, cesser
toute forme d’extraction, entreprendre immédiatement une transition vers
des énergies renouvelables (dont le nucléaire, s’il le faut !)
et commencer à capter les GES pour les retirer de l’atmosphère.
Un autre élément à considérer pour l’avenir de la Planète consiste
à l’augmentation sensible des populations qui accentue
d’autant la pression sur les ressources naturelles et par ricochet, les
changements climatiques. Une lueur d’espoir (!), à ce chapitre semble poindre:
en 1950, les femmes avaient en moyenne 4,7 enfants au cours de leur vie. Des chercheurs de
l'Institute for Health Metrics and Evaluation de l'Université de Washington
ont montré que le taux de fécondité mondial avait presque diminué de moitié à
2,4 en 2017 et leur étude, publiée dans le Lancet, prévoit qu'il tombera en
dessous de 1,7 d'ici 2100.
En conséquence, les chercheurs s'attendent à ce que le nombre de
personnes sur la planète culmine à 9,7 milliards vers 2064, avant de retomber à
8,8 milliards d'ici la fin du siècle. Les causes? Plus de femmes en éducation
et au travail, ainsi qu'un meilleur accès à la contraception, ce qui conduit
les femmes à choisir d'avoir moins d'enfants.
Pour terminer cette section, vous voulez savoir si vous êtes vous-même
un ou une «climato-responsable», passez ce petit test du New York Times:
New Delhi on Nov. 1, top,
and again in April.Credit Manish Swarup/Associated Press
5. LE MONDE CHANGE RAPIDEMENT. ET
NOUS?
«La crise actuelle est non seulement sanitaire, humanitaire, économique
et écologique: c’est une crise morale à laquelle nous sommes confrontés. Nous
vivons dans un monde où nos actions sont en train de compromettre l’avenir de
la vie.» - Dominic Champagne, le 28 mai 2020
Il y a ceux et celles qui veulent revenir comme avant et il y a ceux et
celles qui veulent changer personnellement et professionnellement. De quel côté
êtes-vous?
5.1 LES ACCÉLÉRANTS
La pandémie actuelle constitue un puissant accélérant de
tendances technologiques et sociétales qui étaient déjà présentes dans notre
société et envers lesquelles on doit réagir afin de rester pertinents en
affaires et répondre aux besoins et aux attentes de nos clients touristiques en
mutation:
- Introspection sur nos
existences
«Bien avant la pandémie. Nous nous éloignions les uns des autres.
Subrepticement. Sans égard à l’âge ou au sexe. Les téléphones intelligents.
Toujours à pitonner nerveusement à l’affût d’un texto, d’un balado, d’une
vidéo, d’une photo.
Cela fait bien plus de dix ans qu’on parque nos aînés pour ne plus voir
comment on sera plus tard. Sans téléphones intelligents. Qui, plusieurs d’entre
eux, auraient-ils appelé de toute façon? Pour eux, le confinement avait
commencé bien avant.
Si, au lieu de ces scénarios catastrophes à la Orwell ou tirés des
blockbusters d’Hollywood, on préparait un après-COVID plus humain, où nous
aurions le souci les uns des autres, la détermination de créer un monde
meilleur, de sauvegarder notre environnement, de stimuler le contact entre les
générations, en bref, de sauver l’humanité.» - L’écrivaine Huguette Poitras, 25 août 2020
- Attraits des régions
Depuis quelques mois, le marché immobilier est hyperactif partout dans
le monde occidental. Les gens recherchent des résidences ou des chalets en
banlieue ou à la campagne. Les régions du Québec vont avoir la cote pour
longtemps, surtout avec l’acceptation plus élargie du télétravail, en autant
que l’accès à l’Internet rapide s’accélère. Voici un excellent texte de Bernard
Vachon, Ph.D., professeur retraité du département de géographie de l’UQAM sur
cette tendance lourde:
«Au télétravail, s’ajoutent trois autres facteurs pour expliquer la
nouvelle attractivité des régions: la qualité de vie, le cadre de vie
et l’autonomie alimentaire. Conjugués, ces quatre facteurs viennent
amplifier l’exode métropolitain et accélérer le mouvement de reconquête des
villes et villages en région dans la perspective, chez plusieurs, de vivre
autrement.
Un contexte nouveau est en cours d’édification découlant d’évolutions
récentes qui confèrent un caractère plus attractif à maints territoires:
- l’essor du télétravail issu
de l’économie du savoir et de la révolution numérique;
- la quête d’une meilleure
qualité de vie;
- la valorisation des milieux
naturels;
- l’attrait du foncier et de
l’immobilier à moindre coût, tant pour l’habitation que pour les espaces
de bureaux ou de production manufacturière ou industrielle, etc.;
- le désir, chez un
nombre croissant de familles, de cultiver ses légumes et de faire de
petits élevages.
Le Québec des territoires est victime d’assèchement par
l’hyperconcentration des forces économiques et démographiques sur les
agglomérations de Montréal et de Québec, qui drainent talents et capitaux,
ressources naturelles et soutien de l’État, et par des politiques peu sensibles
aux réalités des petites villes et communautés rurales.
Les régions du Québec nous appellent, pas seulement en tant que touristes mais aussi pour un nouveau milieu de vie plus durable. Ici, les îles prés d’Unamen Shipu en Basse-Côte-Nord.
Mais l’exode urbain a débuté bien avant la pandémie. Il a fait perdre
178 067 personnes à Montréal dans ses échanges interrégionaux entre 2010-2011
et 2018-2019, dont 27 890 pour la seule année 2018-2019.
Après la vague de délocalisation d’entreprises manufacturières et
industrielles vers des pays à faibles coûts de production et aux contraintes
environnementales moindres, assisterons-nous à un mouvement de retour d’entreprises
au pays, un phénomène de «relocalisation»? La poursuite du plus haut
taux d’autosuffisance en biens manufacturés, associée à une conscience
environnementale ayant fait de nouveaux pas, pourrait-elle conduire à une
diversification élargie de notre structure industrielle et manufacturière, tout
en accélérant l’adhésion aux principes de l’économie circulaire et le
développement de nouvelles filières au tableau du développement durable? Ce
qui impulserait de nouveaux moteurs de développement en région.
La pause à laquelle nous contraint la pandémie doit nous amener à
réfléchir au sens de cette trajectoire et aux pertes qu’elle a causées dans son
sillage. Elle doit nous conduire à nous interroger sur la façon de réintroduire
l’humain au cœur de la vie économique et dans nos organisations sociales tels
l’habitat, les relations métropole/région et ville/campagne, l’urbanisme de nos
villes et villages, l’architecture de nos maisons, la vie de quartier. Revoir
nos priorités à l’égard des milieux naturels, des espaces publics et
communautaires, des transports, des terres cultivables. Nous amener à concevoir
le développement du territoire, non plus en termes d’équations comptables, mais
en termes de bien commun, une notion qui a été évacuée du modèle de
développement pour céder toute la place à la croissance et au caractère
individualiste de nos comportements. Comme le suggère le sociologue et
philosophe français Edgar Morin: «…il faudrait que des forces se rassemblent
dans un mouvement d’un type nouveau, avec une pensée qui sache qu’il y a une
nouvelle politique qui utilise les besoins écologiques, qui soit sociale, qui
soit fondée sur la solidarité et la lutte contre les inégalités. Il faut que
cette nouvelle politique se dessine.»
Tout compte fait, il y a quatre logiciels à reprogrammer: 1. Celui du
pouvoir politique pour qu’il soit libéré de l’emprise du pouvoir financier; 2.
Le système économique pour en faire un outil au service du progrès social; 3.
L’occupation du territoire pour plus d’équilibre centre/périphérie et ainsi
dissiper les fractures économiques et sociales; 4. Nos cadres de vie pour
favoriser un meilleur vivre-ensemble.
Il faut remettre l’économie au service d’un projet global de
développement dont les collectivités territoriales seront au cœur. Il
faut réapprendre à habiter notre territoire, à cultiver la terre, à respecter
les cycles de la vie tant au sein de la nature qu’à celui des relations
intergénérationnelles.»
- Choisis ton camp!
- Mondialistes versus
nationalistes
- Minorités versus majorités
- Droits individuels versus
droits collectifs
- Montréal versus les
«régions»
- Multiculturalistes
canadiens versus identitaires québécois
- Sciences versus les
«fausses vérités»
- Touristes versus Voyageurs
Les temps présents ne sont plus aux nuances, au gris, mais au blanc ou
au noir. Triste.
L’opposition entre le touriste (qui recherche ailleurs le même confort
& les mêmes repères que chez soi: un séjour agréable est un séjour sans
histoire) et le voyageur (qui sort de ses habitudes; veut goûter à l’inconnu, à
l’exotisme & apprendre; transformation intérieure. Bref: un choix culturel,
sensoriel & cognitif) s’accentue et vont se confronter dans la réalité de
nos entreprises!
- Complotisme, négationisme et
désinformation
Il n’y a pas que Trump qui déconne. Par exemple, quand Mario Dumont écrit:
«J’ai toujours cru que l’action en matière de changements climatiques
devait être progressive, tenir compte de l’économie. J’ai toujours cru que les
gens ne voudraient pas arrêter de vivre…»
C’est de la pure désinformation, car il est prouvé scientifiquement que
pour combattre les changements climatiques, il ne peut plus y avoir de
demi-mesures et que le développement et l’utilisation de nouvelles technologies
vont créer des millions d’emplois… les travailleurs de Fort McMurray vont
pouvoir continuer de travailler, mais dans un autre secteur!
La multiplication des vérités à travers les médias sociaux et
leurs algortyhmes qui regroupent les gens qui pensent pareil nous amène vers le
bas (un bel exemple: QAnon est une théorie conspirationniste qui, à ses débuts,
en 2017, assurait que Donald Trump travaillait en secret à débarrasser le monde
d’une cabale d’élites mondialistes responsable de tous les maux du monde) et un
bref retour à faire confiance aux sciences au début de la pandémie s’est
transformée dans un monde où de nombreuses personnes se trouvent dorénavant
compétentes à affirmer des vérités qui n’en sont pas… Alors imaginez comment
les changements climatiques sont et seront de plus en plus traités dans ce
contexte…
Bref, on vit un règne malsain par les médias sociaux où
mensonges/faussetés/médisance/lapidation se confondent avec
honnêteté/vérité/lucidité/justice sous l’œil omnipotent des Mark Zuckerberg de
ce monde.
- Développements des
technologies
Partout. Quelques exemples:
L’entreprise canadienne la plus évaluée à la Bourse est Shopify. Elle veut
compétitionner Amazon.
Elle permet aussi aux petites entreprises une présence Web
transactionnelle efficace et peu dispendieuse. L’achat direct aux PMEs, c’est
ce qui va sauver des millions de petites entreprises, dont en tourisme. En
autant que votre présence Internet soit minimalement efficace. Dans mon article d’avril dernier, d’ailleurs, j’indiquais qu’en
hôtellerie, il faut trouver une manière de canaliser les ventes en soutenant
financièrement pour 3 ans minimum, une plateforme transactionnelle québécoise
afin que des gens comme moi, qui dépensons des milliers de dollars au Québec
annuellement via les Trivago et les Booking.com de ce monde, puissent migrer
vers celle-ci permettant d’augmenter sensiblement les revenus des hôteliers
québécois en coupant la commission aux OTA (agences en ligne). Je constate qu’à
part les appels à l’achat en direct des associations hôtelières, rien ne s’est
fait en ce sens…
Et en hôtellerie, avec les mesures sanitaires qui vont perdurer, tout ce
qui peut éliminer les contacts humains (allô l’expérience!!) sera remplacé par
la techno. Google est la dernière grande entreprise à s’y intéresser. La
distanciation et autres mesures sanitaires ont encouragé les Hilton et Marriott
de ce monde à développer des applications d’enregistrement et de sélection des
chambres à même nos téléphones intelligents. Mais Google veut aller plus loin,
jusque dans la chambre à coucher. Nest Hub, annoncée le 26
août dernier, permet un séjour sans contact. Aseptisé par la techno! La
prochaine étape: on dort debout pour éviter les punaises de lit?
- Ralentissement de
l’homogénésiation des destinations touristiques
Les voyageurs longs-courriers vont devenir majoritaires (versus les
touristes) et ils rechercheront la diversité, l’authenticité non galvaudée et
seront prêt à payer le prix. Or, depuis quelques décennies, la mondialisation a
provoqué plutôt l’uniformisation et la banalisation des expériences en
tourisme. Les lieux d’expériences authentiques potentiels sont devenus
rarifiés, mais sont très élevées dans plusieurs régions du Québec, sauvegardées
par un sous-développement touristique.
- Surconsommation
Au Canada, entre 1990 et 2015, les ménages sont passés de 15 à 23
appareils électriques en moyenne par foyer, la surface des logements a bondi de
122 m2 à 143 m2 , alors même que la taille des ménages passait de 2,8 à 2,5
personnes (RNCan, 2020).
Sans compter tous ces produits jetables, l’obsolescence programmée et
l’usage unique du plastique de retour en accéléré avec la COVID.
Le niveau de consommation des foyers québécois a maintenant rejoint son
niveau normal depuis l’arrivée de la pandémie.
- L'Internet des objets
«Tout objet domestique contient de l’électronique. C’est pratique (…)
mais l’information va aussi à Google, Facebook et aux gouvernements. Cela donne
un potentiel énorme de contrôle et de surveillance, et c’est déjà là, ce n’est
pas dans le futur. Il y a des sociétés qui développent des technologies qui
permettent aux employeurs de voir ce que leurs employés ont sur leur écran
d’ordinateur, de vérifier vos frappes sur le clavier, et, si vous vous éloignez
de votre écran, de comptabiliser ça comme une pause. Ce n’est pas inévitable,
de même que le changement climatique n’est pas inévitable. On peut laisser ça
se produire, ou l’arrêter. Si on laisse ces géants technologiques contrôler
notre vie, c’est ce qui se passera. Ça ressemblera à la Chine, où il y a des
systèmes de "crédits" sociaux, de la technologie de reconnaissance
faciale partout. Tout ce que vous faites est surveillé. Vous traversez au
mauvais endroit, vous pouvez perdre des crédits.» – Le philosophe
Noam Chomsky
- Télétravail
Longtemps revendiqué par plusieurs et en un temps record imposé depuis
le printemps dernier à plusieurs, le télétravail signe maintenant la nouvelle
normalité pour de nombreux travailleurs. Sans possible retour en arrière. Avec
ses avantages en flexibilité et en conciliation travail-famille, mais aussi
avec son lot d’isolement, de dépendance et de contrôle et sans collectif
immédiat pour négocier la répartition des fruits de l’augmentation de la
productivité induite par cette nouvelle organisation du travail.
- Le développement de
l’industrie de la sécurité sanitaire
Qui sera au coronavirus ce que la plantureuse industrie de
l’hypersécurité a été au 11 septembre 2001.
- Déficit démocratique et
perte de confiance dans la politique
Dérives graves du pouvoir effectuées par Bibi en Israël, Jair au Brésil,
Viktor en Hongrie, Recep en Turquie, Donald aux USA, Xi en Chine et Vladimir en
Russie.
- GAFAM (les 5 Américaines qui
dominent le numérique: Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft)
Elles dominent aussi nos vies. Elles grossissent sans cesse. Le nouveau pouvoir!
Lequel se cache de plus dans les paradis fiscaux. Un seul exemple? Amazon, avec
son «projet Constellation The Kuiper», vient d’avoir l’accord des autorités
américaines pour déployer 3 236 satellites afin d’assurer l’accès à Internet
partout sur la planète. Imaginez, il y a seulement 2 600 satellites actifs en
2020… Le ciel étoilé ne sera plus jamais pareil.
Parlant de paradis fiscaux, tant que la Caisse de dépôt et placement du
Québec et les autres gros fonds souverains des gouvernements ne se retireront
pas eux-mêmes des paradis fiscaux, les entreprises continueront de les utiliser
elles-mêmes au maximum en vue de payer le moins possible d’impôts au détriment
de la majorité des citoyens. Une des grandes injustices de nos sociétés!
Même la privatisation du ciel! Depuis que le groupe Starlink a
lancé ses satellites en mai 2019, plusieurs astronomes amateurs se plaignent de
leurs traces brillantes dans le ciel, tel qu’observé ici par le «Cerro Tololo
Inter-American Observatory» au Chili. Imaginez les 3 236 nouveaux
satellites d’Amazon qui se rajoutent sous peu…
- Le monde financier versus la
réalité économique
Depuis le début de la pandémie, il est surréaliste de constater l’écart
de la santé financière des investisseurs à la Bourse et la réalité économique.
La bulle va bientôt dégonfler?
Les sociétés cotées en Bourse en sont venues graduellement,
depuis les années 1980, à œuvrer presque exclusivement pour maximiser la création
de valeur pour leurs actionnaires.
Au moins, ces sociétés devraient désormais être responsables, non
seulement de leurs performances financières, mais tout autant de l’atteinte
d’objectifs précis en matière d’environnement (E), d’enjeux sociaux (S) et de
gouvernance (G). Pour les grandes entreprises tout particulièrement, le triplé
ESG, de facto le modèle des parties prenantes, est devenu une caractéristique
essentielle de la gouvernance. Puis, signe des temps, quelque 181 p.-d.g. des
grandes sociétés américaines ont pris l’engagement, il y a un an à peine, de
donner à leurs entreprises une nouvelle «raison d’être» comportant un
«engagement fondamental» envers leurs clients, leurs employés, leurs
fournisseurs, leurs communautés, leur environnement et, ultimement, leurs
actionnaires. À suivre.
- Agriculture locale,
biologique, moins de viande et bien-être des animaux
La démondialisation a commencée. Heureusement. L’autonomie alimentaire
est réaliste au Québec et ce à l’année. «Le rapport aux saisons est
complètement mort!», s’exclame Élisabeth Cardin, copropriétaire du restaurant
Manitoba à Montréal, qui se consacre à la cuisine du terroir. Pour manger
localement en hiver, il faut briser le «mythe des patates bouillies et du navet
trop cuit», croit-elle. «Quand c’est la saison des récoltes, j’achète des
fruits et légumes en grande quantité et je les transforme de trois, quatre
manières différentes», explique-t-elle. Même si la restauratrice reconnaît que
tout le monde n’a pas le temps de mettre en conserve, de faire fermenter ou de
congeler des aliments, elle est «fascinée d’à quel point c’est facile» de
manger local toute l’année.
Et l’enjeu de la réduction de notre consommation de viande est d’autant
plus important que 37,3% des émissions de gaz à effet de serre du secteur
agricole au Québec proviennent de la fermentation entérique des animaux,
autrement dit de leur digestion. Or, on parle ici d’émissions de méthane.
Sachant que ce gaz est 86 fois plus dommageable pour le climat que le CO2 sur
un horizon de vingt ans, nous avons tout intérêt à porter une attention
particulière à ce GES, puisque l’on dispose de moins de dix ans pour éviter le
point de bascule climatique. La viande et les produits laitiers ne fournissent
que 18% de nos besoins caloriques et 37% de nos besoins en protéines alors que
leurs productions accaparent 83% des terres agricoles dans le monde.
Sollio Groupe Coopératif (auparavant La Coop fédérée qui
comprend BMR et Olymel) priorise avec raison:
- Augmentation de la
productivité
- Accroissement de l’autonomie
alimentaire et exportation
- Développement de la vitalité
des régions
- Soutien à l’économie durable
(dont les circuits courts)
- Valorisation des métiers de
première ligne
Il faut donc cesser de globaliser la nourriture et localiser nos
aliments.
- Nos gros chars: les véhicules sont de plus en plus gros
et de plus en plus vides
Et alors que tous les autres secteurs de transport (maritime,
ferroviaire, aérien) ont diminué ou très peu augmenté leurs émissions de gaz à
effet de serre (GES), le transport routier émet 50% de plus de GES qu’en 1990.
«L’amélioration de l’efficacité énergétique ne nous a pas permis d’économiser
de l’essence, elle nous a permis d’avoir de plus gros chars. C’est un peu
absurde», ajoute Catherine Morency, professeure spécialiste en génie du transport de
Polytechnique Montréal et titulaire de deux chaires de recherche sur la
mobilité.
Plusieurs enjeux actuels sont associés à l’omniprésence de l’automobile
et des véhicules de loisirs dans nos milieux de vie: augmentation de la part du
budget des ménages dédiée aux dépenses de transport, accidents routiers,
congestion et pertes de temps en découlant, maladies associées à la diminution
du niveau d’activité physique, consommation d’espace favorisée par l’étalement
urbain, perte d’indépendance par les enfants et les adolescents, dépendance à
l’automobile pour pouvoir se déplacer, coûts collectifs importants des
infrastructures, iniquité sociale, etc.
- Appréciation des travailleurs
essentiels sous-payés (résidences pour personnes âgées, éboueurs, etc.)
La pandémie permet de vérifier ce constat fait par l’anthropologue David Graeber, que
plus un emploi est utile à la société, moins il est payé et considéré. On
découvre soudain l’importance cruciale des gens dont nous dépendons pour nous
soigner, nous nourrir, nous débarrasser de nos ordures, et qui sont les
premiers exposés à la COVID-19.
- Aménagements des villes en fonction des
piétons et cyclistes avec intégration de la nature
Les villes vont accélérer partout en Amérique et en Europe les aménagements
défavorisant l’automobile et intégrant encore plus la nature dans les villes.
Citons le remodelage en faveur des cyclistes et des piétons: Athènes accélère
les plans pour un centre historique sans voiture, Berlin introduit 14 milles de
nouvelles pistes cyclables et Paris augmente également considérablement ses
pistes cyclables, pour faciliter surpeuplement potentiel.
- Croissance des achats
numériques
Avec comme conséquence la fermeture de commerces de proximité/centres commerciaux et le
transport élevé des marchandises pour assurer la livraison à domicile
entraînant une hausse sensible de la circulation et de la pollution
atmosphérique, conjugué avec le télétravail, pas surprenant que l’espace
commercial au centre-ville de Montréal perds de sa valeur et vit une crise
majeure.
5.2 PISTES DE SOLUTIONS POUR UN MONDE
MEILLEUR
«Ça va amener une réflexion où les gens vont dire "Attends une
minute, voici les affaires qu’il nous faut faire différemment. Et tant qu’à
réinvestir et à relancer, faisons-le de façon durable" » - Monique Leroux, ex-présidente du Mouvement
Desjardins de 2008 à 2016
Les gouvernements ont des approches différentes: la France avec un investissement
de 20 MM d’Euros s’en va résolument vers des énergies et un développement
durables, tandis que les États-Unis, la Chine (qui ouvre de nouvelles mines de
charbon!) et le Canada n’ont pas de plans en ce sens et au contraire, veulent
soutenir le développement des énergies fossiles en coupant dans les évaluations
environnementales[4]!
En ce qui concerne le Québec, la relance par l’ex-projet de loi C-61, reportée
à cet automne, devrait être une occasion pour le Québec tout entier de se
donner des objectifs et une vision commune pour un avenir durable, mais pour le
moment il n’en est rien: investissons des milliards dans des infrastructures
qui ne font que perpétuer nos façons de faire actuelles, mais qui ne mènent
nulle part!
Je vous présente ici des démarches inspirantes pour notre planète,
lesquelles se sont mis en branle ou se sont accélérées depuis l’arrivée de la
COVID-19. Vous verrez le dynamisme à plusieurs endroits sur la planète mais au
Québec, pour le moment, ce sont essentiellement les forces vives de la société
civile et d’anciens leaders qui poussent vers le changement. Les gouvernements
québécois et du Canada ne proposent aucunement une vision d’avenir pour un
monde plus juste et meilleur, surtout un monde résilient face à la tempête
prochaine des changements climatiques. Je connais notre premier ministre depuis
que j’ai vendu mon agence de voyages à Transat en 1996. Je sais qu’il est une
personne foncièrement honnête et qui veut le bien de la population du Québec.
Je l’ai d’ailleurs soutenu bénévolement pendant quelques années en politique
dans Lanaudière. Je souhaite de tout cœur qu’il aura le courage de changer
profondément nos façons de voir le Québec à court terme en dégageant un projet
de société innovant dont on peut très bien se doter, bien au-delà du simple
rendement économique.
A. Le «Green New
Deal»
«Pour résoudre la crise climatique, on agit d’ordinaire en créant par
exemple une taxe carbone, qui rend l’énergie et l’essence plus chères. Mais dès
que l’économie ralentit, c’est la première chose qui est supprimée, pour
soulager les populations. Le «Green New Deal» ne place pas la taxe carbone au
centre, il s’articule autour de la création d’emplois.» - Naomi Klein
L’idée est claire, avec le Green New Deal: en transformant
les infrastructures et nos modes de production/transport/consommation à
l’échelle recommandée par les scientifiques, l’humanité a une occasion
rarissime de corriger un système économique qui nuit à une majorité de la
population. Ce qui détruit la planète est en train de détruire la qualité de
vie d’une majorité: stagnation des salaires, fragmentation de la société,
inégalité et effritement des services publics, pour ne nommer que ceux-là.
Dans un article paru dans Le Devoir, on y apprend que chaque million de
dollars américains investi dans les énergies renouvelables créerait trois fois
plus d’emplois que la même somme investie dans les combustibles fossiles.
«L’Agence internationale pour les énergies renouvelables veut faire la
démonstration qu’une relance post-COVID axée sur la transition, l’efficacité
énergétique et les énergies renouvelables ne s’oppose pas à l’urgence d’une
reprise économique rapide aux retombées immédiates.
La part des énergies renouvelables dans la demande totale d’énergie
finale a très faiblement progressé, de 9,6% en 2013 à 11% en 2018 […] Les
énergies renouvelables se sont certes fait une place dans le secteur de
l’électricité (avec une part de 26%), mais restent encore marginales dans la
production de chaleur et de froid (10%) et, plus encore, dans les transports
(3%)», écrivait REN21.
Dans une présentation récente devant le CORIM, le président du Conseil
mondial de l’énergie, Jean-Marie Dauger, rappelait que les hydrocarbures
«couvrent encore près des deux tiers des besoins à l’horizon 2040, voire 2050».
En octobre dernier, le Fonds monétaire international réitérait que «la
taxe carbone est l’instrument le plus puissant et le plus efficient» dans la
lutte contre les changements climatiques. Mais à un prix qui se doit d’être
incitatif. Seulement une cinquantaine de pays ont mis en place une forme ou une
autre de tarification, pour un prix mondial moyen du carbone équivalant à 2$ US
la tonne. Or, pour rester sur la trajectoire d’un réchauffement de la planète
sous les 2 °C, cette moyenne mondiale devrait être d’au moins 75$ US la tonne,
disait le FMI.»
Après la Grande Dépression des années 1930, le «New Deal» du
président Franklin Delano Roosevelt permit aux Américains de remettre au
travail des millions de travailleurs avec de vastes travaux d’infrastructures.
Le «Green New Deal» américain, quant à lui, est actuellement porté
par le parti démocrate, surtout les leaders à la gauche du parti tels que Berny
Sanders et la jeune représentante de New York Alexandria Ocasio-Cortez. Si
Biden est élu, plusieurs des éléments de ce plan pour sauver la planète seront
mis en place, à l’opposé de Trump qui a sabré dans de multiples lois sur la
protection environnementale et de soutien à la santé et aux familles.
Voici les grands éléments de ce plan pour la planète, mais ici adapté
pour les États-Unis:
- Énergies renouvelables
Répondre à 100% de la demande d'électricité aux États-Unis grâce à des
sources d'énergie propres, renouvelables et à émission nulle. Ce serait un
revirement massif de la politique énergétique américaine. Les énergies
renouvelables - y compris l'hydroélectricité, l'éolien, la biomasse, le solaire
et la géothermie - représentent actuellement environ 20% de la production
d'énergie aux États-Unis, à peu près à égalité avec l'énergie nucléaire, comme
le souligne l'Agence américaine d'information sur l'énergie. Le gaz naturel
représente la plus grande part - environ 32% - et le charbon n'est pas loin
derrière, à 30%. Selon les projections actuelles, les énergies renouvelables
représenteront environ 31% de la production d'énergie aux États-Unis d'ici
2050, avec de fortes baisses pour le nucléaire et le charbon.
- Efficacité énergétique
Modernisation de tous les bâtiments existants aux États-Unis et
construction de nouveaux bâtiments pour atteindre une efficacité énergétique
maximale, une efficacité de l'eau, la sécurité, l'accessibilité, le confort et
la durabilité, y compris grâce à l'électrification.
- Transport
Rénover les systèmes de transport aux États-Unis pour éliminer autant
que possible la pollution et les émissions de gaz à effet de serre du secteur
des transports, notamment en investissant dans (i) l'infrastructure et la
fabrication de véhicules à zéro émission; (ii) transports publics propres,
abordables et accessibles; et iii) train à grande vitesse
- Solutions «low-tech»
Éliminer les gaz à effet de serre de l'atmosphère et réduire la
pollution, notamment en restaurant les écosystèmes naturels grâce à des
solutions éprouvées de faible technologie qui augmentent le stockage du carbone
dans le sol, telles que la préservation et le reboisement.
- Les vaches et le changement
climatique
Travailler en collaboration avec les agriculteurs et les éleveurs aux
États-Unis pour éliminer la pollution et les émissions de gaz à effet de serre
du secteur agricole, dans la mesure du possible sur le plan technologique.
- Emploi, congés, vacances et
retraite garantis
Garantir à tous les citoyens des États-Unis un emploi avec un salaire de
subsistance minimum décent, des congés familiaux et médicaux adéquats, des
vacances payées et une sécurité de la retraite.
- Droit du travail
Renforcer et appliquer les normes du travail, de la santé et de la
sécurité au travail, de la lutte contre la discrimination et des salaires et
heures de travail dans tous les employeurs, industries et secteurs.
- Propriété publique
Fournir et tirer parti, d'une manière qui garantit que le public reçoit
des participations appropriées et un retour sur investissement, des capitaux
adéquats (y compris au moyen de subventions communautaires, des banques
publiques et d'autres financements publics), une expertise technique, des
politiques de soutien et d'autres formes d'assistance aux communautés, aux
organisations, aux agences gouvernementales fédérales, étatiques et locales et
aux entreprises travaillant à la mobilisation du Green New Deal.
- Fournir un enseignement
supérieur
Fournir des ressources, une formation et une éducation de haute qualité,
y compris un enseignement supérieur, à tous les habitants des États-Unis, en
mettant l'accent sur les communautés de première ligne et vulnérables, afin que
ces communautés puissent être des participants à part entière et égaux à la
mobilisation du Green New Deal.
- Syndicats
Renforcer et protéger le droit de tous les travailleurs de s'organiser,
de se syndiquer et de négocier collectivement sans coercition, intimidation et
harcèlement.
- Accords commerciaux
Promulguer et appliquer des règles commerciales, des normes de passation
des marchés et des ajustements aux frontières avec de fortes protections du
travail et de l'environnement.
- Premières Nations
Obtention du consentement libre, préalable et éclairé des peuples
autochtones pour toutes les décisions qui concernent les peuples autochtones et
leurs territoires traditionnels, respect de tous les traités et accords conclus
avec les peuples autochtones, et protection et application de la souveraineté
et des droits fonciers des peuples autochtones.
- Soins de santé, logement,
sécurité, air et eau purs, nourriture saine et nature
Fournir à tous les habitants des États-Unis: (i) des soins de santé de
haute qualité; (ii) un logement abordable, sûr et convenable; (iii) la sécurité
économique; et (iv) l'accès à l'eau potable, à l'air pur, à une nourriture
abordable et à la nature.
Ce plan repose sur la création élevée de nouveaux emplois rattachés à
la production des énergies renouvelables.
Trop optimiste? Dans le documentaire produit récemment par Michael Moore
«Planet of the Humans» on
nous met en garde contre les «solutions faciles» de l’éolien et du solaire,
alors que les mêmes lobbys et multinationales énergétiques vont contrôler ces
nouveaux marchés; qu’on ne peut toujours pas emmagasiner l’énergie avec ces
technologies et que pour fabriquer les panneaux solaires on a besoin du
charbon, donc des énergies fossiles… bref, on ne serait pas mieux avancés avec
ces filières! On remplacerait ainsi les gros méchants marchands de pétrole par
de gros méchants du solaire, sans régler notre problème énergétique et
climatique!
Personnellement, je crois qu’il faudra apprendre à marcher en marchant…
et qu’on n’a pas le choix d’expérimenter à grande échelle avec les ajustements
qui seront nécessaires, sinon Planet of the Humans est carrément déprimant.
B. Le modèle du «beigne hollandais»
Inspiration pour le XXIe siècle? Un autre modèle de développement
économique émergent qui se passe à Amsterdam depuis 2012, dont d’autres pays
s’inspirent actuellement, tel que le plan «Regenerate Costa Rica». Il vise à
trouver l’équilibre entre croissance et bien-être. Répondre aux besoins des
gens dans le respect de notre planète et ne pas tout ramener aux «isme»:
capitalisme, socialisme, féminisme, racisme… Il y a entre autres 9 systèmes qui
supportent la planète, à la frange du beigne. Voyez la courte vidéo très bien présentée.
Tout le monde, toute la société d’une ville, d’une province, d’un pays
est inclus dans le beigne. Personne n’est laissé à lui-même, sans pouvoir
répondre à tous les besoins humains fondamentaux. Il n’y a pas que des crises
climatiques, de la santé ou de l’économie; chacune distincte: tout est
relié et ça change les façons de faire des décideurs, des politiciens…
Au lieu de viser une croissance sans fin, il faut viser vers le mieux-être et
la résilience…
Parlant de durabilité à Amsterdam, les autorités municipales - qui avaient du mal à faire
face à environ 18,3 millions de nuitées touristiques en 2019 - espèrent
également que la pandémie sera un catalyseur de changement. En mai dernier, le
maire a appelé à une extrême prudence, lors de la réouverture aux touristes,
tandis que le groupe à but non lucratif Amsterdam & Partners estime que la
pause touristique pousse au sommet de l'ordre du jour, l’objectif de réduire
leur nombre, de rendre Amsterdam aux habitants et d'attirer le «bon» type de
visiteurs, et a lancé un groupe de travail sur la durabilité pour tracer la
voie à suivre.
Le beigne hollandais
C. La Convention citoyenne française
150 citoyens volontaires français ont rédigé récemment la Convention citoyenne pour le climat afin
d’assurer la transition écologique et réduire les émissions de gaz à effet de
serre portant sur de multiples volets, dont la rénovation énergétique du parc
immobilier, la lutte contre l’artificialisation des sols et l’obsolescence
programmée, la publicité, le fret, ou encore l’éducation et l’environnement.
Lisez bien le résultat: 146 sur 149 de leurs suggestions furent retenues
par le gouvernement président Macron. Parmi celles-ci: interdiction des
publicités de VUS, des semences génétiquement modifiées, des trajets
intérieurs en avion (lorsque prendre le train est possible!!!),
moratoire sur les nouvelles zones commerciales en périphérie des villes, fin de
l’artificialisation des sols, etc.
Macron a par ailleurs promis de tenir deux référendums sur ces
propositions d’ici 2021.
L’un porterait sur l’ensemble des 146 mesures retenues. L’autre
demandera aux Français s’ils sont d’accord pour inscrire les notions de
biodiversité, de protection de l’environnement et de lutte contre le
dérèglement climatique dans l’article 1 de la Constitution du pays.
En juillet, le nouveau premier ministre Jean Castex annonça un plan de
20 MM d’Euros pour concilier transition écologique et pouvoir d’achat. Et pour
respecter les objectifs de la stratégie nationale bas carbone dans trois
secteurs – les transports, le bâtiment et l’énergie –.
Il s’agira également «d’accompagner individuellement les Français»,
par le financement des projets de rénovation thermique ou la prime à la
conversion pour les véhicules les plus polluants. Le premier ministre a
également promis d’accélérer les investissements dans les filières agricoles
afin de développer une «alimentation de qualité, locale, accessible
dans tous les villes et villages», ainsi que de mettre en place un «plan
vélo très ambitieux et contractualisé avec les collectivités territoriales»,
notamment pour investir dans les vélos électriques. D’ici à la fin
2021, tous les territoires devront être dotés de «contrats de
relance et de développement écologiques». S’il a abordé plusieurs de
ces grands objectifs, Jean Castex a repris deux propositions précises de la
Convention citoyenne pour le climat, dont il a salué le «remarquable
travail»: il a annoncé un moratoire pour l’installation de nouveaux centres
commerciaux dans les zones périurbaines et la régulation de la publicité pour «réduire
les incitations à la surconsommation de produits polluants».
Tout ça depuis l’arrivée de la pandémie. Quelle leçon de démocratie et
de vision commune!
D. Le Québec
Et ici au Québec, on parle encore, en ce beau mois de septembre, de
rallonger des autoroutes comme projet de relance post-pandémique de notre
société!
Après les États-Unis, le Québec et le Canada sont les deux gouvernements
de l’OCDE prélevant le moins de taxes liées à l’environnement. Dans la
province, seulement 3,6% de la recette totale des taxes relève de ce domaine,
tandis que la moyenne de l’OCDE est de 6,8%.
Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements
climatiques (MELCC) doit faire connaître cet automne sa stratégie de lutte
contre les changements climatiques. Le projet de loi 44 vise «la gouvernance
efficace de la lutte contre les changements climatiques et à favoriser
l’électrification». Or, dans la réalité, ce projet de loi vise essentiellement
la gestion des sommes du déficient Fonds vert québécois qu’alimente
la plus importante mesure d’écofiscalité au Québec, soit une taxe de 4 cents
sur le litre d’essence.
La réaction du gouvernement du Québec, au printemps dernier, fut
d’annoncer le projet de loi C-61 avec ses 202 projets d’infrastructures pour
relancer l’économie. Parmi les projets, on en trouve 39 de rénovation d’écoles,
90 en santé, notamment des rénovations de CHSLD, d’agrandissement d’hôpitaux et
de construction de Maisons des aînés, mais aussi une amorce plus rapide de 34
projets routiers.
Deux ingénieurs de l’Université de Toronto et de Cambridge écrivaient le mois dernier dans le New York Times:
«La plupart des pays développés ont déjà des réseaux routiers efficaces;
ils peuvent être maintenus, mais les avantages économiques de l'expansion sont
marginaux et les inconvénients importants. La construction de routes est
destructrice pour l'environnement et favorise l'étalement urbain, la
congestion, la pollution de l'air et les inégalités. Le défi, hier et
aujourd'hui, est de trouver un équilibre entre les exigences politiques et
économiques pour créer immédiatement des emplois et les demandes prospectives
de mesures significatives vers un futur. L'Amérique a échoué à ce défi en 2009.
Peut-elle réussir cette fois?
La Nouvelle-Zélande est un chef de file mondial dans le domaine de la
reprise après sinistre, ayant récemment reconstruit des sections de la ville de
Christchurch après un tremblement de terre en 2011. Sa plus grande leçon a été
de définir les priorités. Cette année, il se lance dans un plan de
«reconstruction» Covid-19 qui commence par un investissement prêt à l'emploi,
qui sera suivi de projets de transformation et de génération. En
Nouvelle-Zélande et en Australie, ces projets comprennent des investissements
dans des jardins d’enfants, des bus, des pistes cyclables, des voies piétonnes
urbaines et des améliorations de la protection contre les inondations.
Ces projets à court terme et à orientation sociale créent l'espace
politique et économique nécessaire pour s'attaquer à la phase suivante,
beaucoup plus vaste. L'infrastructure nationale a besoin de plus de
planification, de plus d'argent et de plus de temps que les dépenses de relance
immédiates ne peuvent en fournir. Dans notre course à l'impact et au
changement, les mégaprojets - comme le train à grande vitesse interurbain - ne
devraient pas être accélérés sous prétexte qu'il n'y a pas le temps de
délibérer.»
Le gouvernement du Québec va lancer sous peu son Plan de relance d’une économie verte. Quel rôle le
tourisme va-t-il y jouer? Dans la partie III de cette trilogie, je me permets
plusieurs recommandations.
Benoit Charette, ministre de l’Environnement du Québec, confirmait que
la cible fixée par le gouvernement Charest en 2009, de diminuer de 20% en 2020
les émissions de GES par rapport à leur niveau de 1990, était hors de portée.
Pour une troisième année en 2017 (les dernières données disponibles), le Québec
a fait du surplace. Avec un recul de 8,7% des émissions depuis 2009, on est
donc encore très loin de l’objectif de 2020 et à des années-lumière de la cible
d’une baisse de 37,5% en 2030, cible que le gouvernement caquiste a reprise à
son compte.
On sait qu’au Québec, compte tenu de notre profil énergétique, c’est
du transport routier, qui représente 35% des émissions de GES au
total, que doit provenir une grande partie de la réduction visée pour 2030.
Source : ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les
changements climatiques, 2019
Note: ne sont pas comptabilisés :
- les émissions liées à notre
consommation de biens et de services qui viennent d’ailleurs (tout ce que
l’on importe d’Asie par exemple, et les serveurs de données numériques
hors Québec) ;
- les émissions des vols
internationaux (on ne comptabilise que les vols intérieurs) ;
- les impacts de la
modification du territoire qui réduisent notre capacité d’absorber les GES
(coupe de forêts, destruction de tourbières et milieux humides, etc.).
Le gouvernement Legault veut qu’un million et demi de véhicules
électriques circulent sur les routes du Québec d’ici 10 ans, soit près de 30%
du parc automobile. Il s’agit de l’une des 40 cibles comprises dans sa
politique-cadre de lutte contre les changements climatiques, son très attendu
«Plan pour une économie verte», qu’a pu obtenir La Presse en
juin dernier. Le 31 décembre dernier, le Québec comptait environ 66 000
véhicules électriques immatriculés, à peine 1,3% du parc automobile. Et l’an
dernier, «seulement 7% des véhicules individuels nouvellement immatriculés
étaient des véhicules électriques», note-t-on.
«Si on vise 1,5 million de véhicules électriques et qu’on les subventionne
à 8000$ chacun… cela fait 12 milliards de dollars. C’est beaucoup d’argent pour
des véhicules importés et pour une économie qui cherche une relance, selon
l’expert Pierre-Olivier Pineau. De plus, rien n’est budgété pour ces 12
milliards.
Sur papier, l’objectif de ce plan vert est de réduire de 37,5% les
émissions de gaz à effet de serre (GES) au Québec d’ici 2030 par rapport au
niveau de 1990. Or, selon les calculs d’un expert consulté par La Presse, Québec sera loin du compte. Les mesures de la politique ne permettent
de réduire les émissions de GES que de 24%, estime-t-il.
Avec les mesures contenues dans la politique, le Québec réduirait ses
émissions de GES de 16,5 mégatonnes, plutôt que de 28,4 mégatonnes, l’objectif
fixé par l’accord de Paris.
Dans un autre registre, le Québec, depuis des années, n’utilise pas tous
ses outils pour encourager le respect de la planète.
Le gouvernement assure qu’il veut recourir davantage aux mesures fondées
sur les principes de l’écofiscalité, de l’écoconditionnalité et de
l’écoresponsabilité. Il s’agit par exemple de taxes sur les produits
polluants, de subventions conditionnelles au respect de critères
environnementaux ou de crédit
Or, le commissaire au développement durable, Paul Lanoie, constate que le
ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques
(MELCC) et les comités interministériels qu’il préside n’ont pas su orienter
l’appareil étatique dans cette direction. Par ailleurs, l’efficacité des
mesures existantes est rarement évaluée, si bien qu’il est difficile de savoir
si elles contribuent réellement à la protection de l’environnement et à la
diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES). Par ailleurs, les
objectifs en la matière de la Stratégie gouvernementale de développement
durable 2015-2020 ne sont pas précis. Si bien que, depuis 2015, seulement huit
nouvelles mesures ont été mises en place.
Quant aux subventions offertes par Québec — qui sont rarement
conditionnelles à l’atteinte d’objectifs environnementaux —, le résumé
du rapport du commissaire fait mention d’une «occasion manquée». «Malgré
un budget estimé de 7,6 milliards de dollars en 2018‑2019, l’octroi de l’aide
financière par le biais des programmes normés est rarement lié au respect de
conditions environnementales ou à des critères d’écoresponsabilité», a
déclaré M. Lanoie lors de la présentation du document à l’Assemblée nationale.
Pire, le projet de loi 44 prévoit notamment l’abolition du Conseil de
gestion du Fonds vert, un organisme indépendant qui attribue les 1,8 milliard à
des projets visant notamment à réduire les émissions de gaz à effet de serre
(GES). C’est le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette, qui déciderait
donc lui-même d’allouer les fonds. De la pure politique!
Et le «plus pire»? La Loi sur le développement durable promulguée en
2005 avec ses 16 principes établies mais jamais respectés surtout
pas par le Ministère du Tourisme sinon ça ferait longtemps que les subventions
massives à des événements comme la F-1 seraient abolies…
«Si l’argent est investi au bon endroit, dans une structure économique
différente, on pourrait alors avoir une réduction en émissions qui pourrait
durer dans le temps. Si les gouvernements n’ont pas la vision nécessaire pour
mettre en place un plan à grande échelle, on va vite retourner à notre point de
départ, voire pire.» La climatologue québécoise Corinne Le Quéré est professeure à l'Université d'East Anglia,
au Royaume-Uni. Elle est membre de la prestigieuse société savante Royal
Society, qui regroupe les grands scientifiques de la planète.
Les idées innovantes ne manquent pourtant pas au Québec. Des dizaines de
sommités et de leaders se manifestent. L’initiative la plus achevée est sans
conteste celle des «
La militante et écologiste Laure Waridel, à ce propos, indique qu’une économie qui pollue
au point de menacer notre santé et notre sécurité, celle qui provoque des
bouleversements climatiques et la perte de biodiversité, celle qui facilite
l’éclosion d’épidémies d’origine animale comme la COVID-19, n’est pas viable.
«Veut-on relancer une économie mondialisée qui carbure à l’exploitation
environnementale et sociale? Celle où les riches s’enrichissent et les pauvres
s’appauvrissent? Les décideurs peuvent s’inspirer des 101 idées pour la relance
du Pacte pour la transition. Issue d’un travail de coconstruction entre
citoyens, scientifiques et économistes, cette synthèse propose les bases pour
une relance verte et juste.»
Le Pacte pour la transition avec Laure Waridel et Dominic Champagne est un collectif de citoyens, scientifiques, économistes et écologistes qui apporte des solutions concrètes à la crise. Sera-t-il écouté par notre gouvernement?
L’instigateur de ce mouvement, l’auteur Dominic Champagne, rajoute dans un excellent texte:
«Tout ce qui contribue à la dégradation de notre monde: la
surconsommation, et de la pétrochimie à outrance, l’évasion fiscale et le
soutien aux entreprises qui la pratiquent, l’agriculture et l’alimentation
industrialisées, le tourisme de masse et l’usage de l’avion, à commencer par
les jets privés, la production de produits de luxe, la surexploitation de nos forêts,
la surpêche, la destruction des milieux naturels, des océans, des rivières.»
Il y a également le Conseil Québécois de l’environnement qui
écrivait en juin dernier: «Vers une économie viable. Cela implique un plan de
transition qui met la science, la justice et la qualité de la vie au cœur des
choix d’investissement de fonds publics qui vont façonner les dix prochaines
années. D’abord faire croître ce qui est essentiel. Rêvons un peu. On constate
à la dure qu’on ne peut plus laisser nos vieux vivre et mourir ainsi. On va
faire de la dignité de leur avenir une priorité.
«Dans cette logique, il faudrait notamment se poser la question du
bien-fondé de construire, sans débat public préalable, autant de nouveaux CHSLD
et de Maisons pour aînés plutôt que d’investir dans l’institutionnalisation et
le soutien à domicile.»
Il y a les présidents de syndicats: Daniel Boyer, Jacques
Létourneau, Sonia Ethier et Luc Vachon, respectivement président de la FTQ,
président de la CSN, présidente de la CSQ, président de la CSD, qui affirmaient le 18 juin dernier:
«Pour nous assurer que la reprise économique pourra bénéficier au plus
grand nombre et diminuer les impacts potentiels de crises similaires dans le
futur, nous croyons qu’il est nécessaire de réduire notre dépendance envers la
production hors de notre territoire en stimulant une réindustrialisation du
Québec afin de renforcer la résilience de son économie. Consommer local, c’est
bien. Produire au Québec, c’est mieux!»
Il y a le Plan de relance du Québec réalisé par
les 15 maires (dont Plante et Labeaume) et des idées de 22 pôles d’économie sociale du Québec:
«Nous devons miser sur ceux qui habitent nos milieux et mettre en valeur
les spécificités territoriales. La réduction des émissions de gaz à effet de
serre tout comme le renforcement de notre tissu social doivent s’inscrire
systématiquement dans notre grille d’analyse pour les investissements à venir,
notamment pour le soutien à nos artères commerciales et noyaux villageois, le
développement des transports collectifs et actifs, la réfection des routes, la
promotion de l’achat local, la rénovation des bâtiments, la mise en valeur du
patrimoine, l’aménagement d’écoquartiers, l’embellissement d’espaces publics,
la construction et la rénovation de logements sociaux et abordables ainsi que
l’accès aux infrastructures numériques.»
Il y a une «Vision pour restaurer la confiance», un collectif composé de l’UPA,
Vivre en Ville, Fondation David Suzuki, etc.) qui vise à l’élaboration d’une
Politique nationale d’aménagement du territoire ambitieuse et orientée vers des
actions durables.
Je laisse le mot de la fin de cette section traitant d’un autre monde à
l’économiste visionnaire Thomas Piketty.
«Peut-on redonner un sens positif à l’internationalisme? Oui, mais à
condition de tourner le dos à l’idéologie du libre-échange absolu qui a
jusqu’ici guidé la mondialisation, et d’adopter un nouveau modèle de
développement fondé sur des principes explicites de justice économique
et climatique.
Supposons qu’un pays, ou une majorité politique en son sein, juge
souhaitable de mettre en place un impôt fortement progressif sur les hauts
revenus et patrimoines afin d’opérer une redistribution importante en faveur
des plus modestes, tout en finançant un programme d’investissement social,
éducatif et écologique. Pour aller dans cette direction, ce pays envisage un
prélèvement à la source sur les profits des entreprises, et surtout un système
de cadastre financier permettant de connaître les détenteurs ultimes des
actions et des dividendes et d’appliquer ainsi les taux souhaités au niveau
individuel. Le tout pourrait être complété par une carte carbone individuelle
permettant d’encourager les comportements responsables, tout en imposant
lourdement les plus fortes émissions, ainsi que ceux qui bénéficient des
profits des entreprises les plus polluantes, ce qui exige, là encore, de
connaître leurs détenteurs.
Un tel cadastre financier n’a malheureusement pas été prévu par les
traités de libre circulation des capitaux mis en place dans les années
1980-1990, en particulier en Europe dans le cadre de l’Acte unique (1986) et du
traité de Maastricht (1992), textes qui ont fortement influencé ceux adoptés
ensuite dans le reste du monde. Cette architecture légale ultrasophistiquée,
toujours en vigueur aujourd’hui, a de facto créé un droit quasi sacré à
s’enrichir en utilisant les infrastructures d’un pays, puis à cliquer sur un
bouton afin de transférer ses actifs dans une autre juridiction, sans
possibilité prévue pour la collectivité de retrouver leur trace.»
Jean-Michel Perron
Conseiller en tourisme (PARConseils.ca) et blogueur (Tourte Voyageuse)
À venir :
16 septembre PARTIE II Nouveau tourisme: Rêver mieux
23 septembre PARTIE III Nouveau tourisme: Agir ensemble
maintenant
[1] Roméo Bouchard, 10 août 2020, facebook.com/694608848/posts/10160729600323849/?sfnsn=mo
[2] Brondizio, E. S., Settele, J., Díaz, S., & Ngo, H. T. (2019).
Global assessment report on biodiversity and ecosystem services of the
Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem
Services. IPBES Secretariat.
[3] Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and
Ecosystem Services (IPBES). 2019. Global assessment report on biodiversity and
ecosystem services. https://ipbes.net/global-assessment.
[4] Forages en
mer exemptés d’une évaluation environnementale au Canada. Le Devoir, 5 juin
2020.
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