L’avenir du tourisme international selon Deloitte/Google. Et les enjeux qui viendront bouleverser ce scénario optimiste.
Une excellente recherche anticipative vient d’être produite. Le volume des touristes internationaux, poussé par l’après-guerre avec la montée d’une vaste classe moyenne occidentale et les vols longues distances, sont passés de 25 millions en 1950 à 1,454 milliard en 2019. Cette année, nous aurons après la chute pandémique, rejoint à nouveau ce volume de 2019 (à 96%) et selon Google/Deloitte, nous atteindrons 2,4 milliards en 2040.
À l’analyse de milliards de requêtes sur Google dans 230 pays, de consultations de dizaines d’experts et de statistiques officielles depuis 50 ans, voici les constats actuels et les principales « prédictions » de Deloitte/Google, produite le 1 novembre dernier, dans leur rapport Vision 2040 (hyperlien à la fin) avec mes commentaires et les enjeux majeurs sous-estimés, à mon avis.
1. J’ai apprécié la section des facteurs positifs et négatifs - pages 30-31-32 - qui vont impacter les entreprises touristiques d’ici 2040. Que fait-on pour s’y préparer au Québec ?
Quelques exemples :
• Les barrières des voyageurs émergents vers de nouvelles destinations disparaissent avec l'émergence de nouvelles technologies telles que la traduction en temps réel, les expériences virtuelles et le Web 3, qui permettent d'être toujours connecté
• Développement de modèles de tourisme durable qui génèrent des avantages économiques et sociaux dans les destinations
• Sensibilisation environnementale et sociale à partager parmi les quelque 2,4 milliards de voyageurs qui iront à l'étranger
• Alors que les situations imprévues (crise sanitaire, par exemple) se multiplient, le secteur doit adopter des modèles commerciaux flexibles qui permettent la réorientation et l'adaptation
• Alors que les expériences occupent une place centrale et que les voyages deviennent plus répandus, forger des alliances stratégiques est essentiel pour différencier les offres et offrir une valeur exceptionnelle aux voyageurs
• La complexité croissante du secteur due à la diversification et à la prolifération des flux de voyage rend l'automatisation indispensable.
• Les nouvelles technologies permettent d'optimiser la valeur pour prendre des décisions efficaces en matière d'offre et de demande (c'est-à-dire, y compris la tarification dynamique en fonction du pays d'origine).
• Adoption de nouveaux modèles commerciaux (c'est-à-dire, voyages par abonnement, orientation expérientielle) alors que la prolifération et la banalisation des expériences de voyage réduisent les marges bénéficiaires.
2. Origine actuelle des voyageurs internationaux
JMP : Les pays de la zone Asie-Pacifique qui voyagent principalement en Europe et au Moyen-Orient, pour des raisons politiques et économiques, n’avaient récupéré en 2023 qu’à 50% par rapport à 2019 ce qui a peu d’impact pour le tourisme au Québec puisque nos principaux marchés (USA, France, UK, Allemagne) sont de retour à l’international mais pas nécessairement au Québec. Il sera intéressant – lorsque nos données seront disponibles pour le Québec – de voir si nous profitons de ce retour de nos marchés prioritaires. Notez que Deloitte n’a pas comptabilisé les voyages des Canadiens aux USA et des Américains au Canada, les considérant bizarrement comme des voyages domestiques.
JMP : C’est en Asie-Pacifique (APAC) que la croissance à destination était et sera la plus forte même si l’Europe demeure LA DESTINATION en volumes, la plus sollicitée. Est-on surpris que le surtourisme se décline principalement sur ce continent ?
3. La compétitivité actuelle des destinations
JMP : Le Canada n’attire pas tant que ça actuellement. (absent de ce graphique). Il faudrait peut-être se questionner sur notre positionnement et notre mise en marché ? Cette matrice de la compétitivité des destinations se concentre sur les marchés classés parmi les 15 premières destinations mondiales en 2019 et les 30 premières qui ont connu la plus forte croissance en termes de trafic entrant au cours des 10 dernières années, représentant environ 70 % du trafic entrant total.
Pour prédire ce qui s’en vient jusqu’en 2040, notons aux pages 15-16, la justesse d’utiliser différentes grilles d’analyses fort pertinentes (6 secteurs de transformations sociales, économiques et technologiques) et 12 variables tout aussi à propos pour juger de l’attrait futur d’une destination. Appliqué au Québec, je constate nos forces et faiblesses suivantes :
Forces québécoises :
• Changements climatiques (températures moyennes, km de côtes, volume des précipitations)
• Sécurité (homicides/100k habitants)
• Prix compétitifs (JMP : grâce au taux de change!)
Variable neutre :
• Attraits touristiques (# de sites UNESCO, parcs d’attractions)
Faiblesses québécoises :
• Facilité d’obtention de visas
• Plan stratégique de la destination (avec investissements conséquents)
• Niveau de sensibilisation des voyageurs à la durabilité
• Innovation dont la traduction instantanée et les robots conversationnels
Je n’ai aucune idée comment les auteurs de l’étude ont classé le Canada selon ces critères et variables mais ce n’est pas élevé puisque le Canada (comme les USA) sont parmi les derniers de rang en 2040 pour la croissance d’arrivée de visiteurs internationaux passant – pour l’Amérique du Nord - de 11% à 9% du volume total des voyageurs.
4. Le Canada demeurera malgré tout dans le Top 30 des destinations en 2040 mais, étonnamment pas de percée significative malgré notre potentiel.
JMP : Ces renseignements stratégiques doivent nous interpeller et questionner nos façons de faire autant en développement de l’offre qu’au niveau des marchés à prioriser. Ceci étant, dans une approche durable, il faut viser des marchés qui génèrent PAR INDIVIDU le maximum de retombées économiques et le minimum de GES pour venir au Québec. Cessons de viser le plus grand nombre de voyageurs internationaux. Il faut par visiteur, maximiser leur durée de séjour et leurs dépenses par jour.
Sage commentaire du patron de Google Travel lors d’une entrevue récente suite au dépôt de leur rapport 2040 :
« À mesure que la population mondiale vieillit et que les individus partent à la retraite en meilleure santé, un nouveau segment de voyageurs aux besoins et préférences spécifiques émerge », a déclaré Ruiz Ramos. « Ce phénomène, associé à l’intérêt croissant des voyageurs de pays comme le Japon et la Chine pour les expériences culturelles et historiques, représente une opportunité importante pour les agences de voyages de tirer parti de ce marché en pleine croissance en adaptant leurs offres aux demandes spécifiques de ces voyageurs. »
Croissance à 2,4G de voyageurs ? Voici pourquoi il faut en douter:
Les auteurs.trices de ce rapport en page 15, ont très bien identifié le contexte changeant au niveau social, économique et environnemental de nos sociétés. Mais je crois qu’ils sous-estiment l’impact réel de plusieurs de ces variables.
Surtout quand on sait que récemment ONU Tourisme a affirmé que seulement 15% des objectifs durables en tourisme établis en 2015 sont en voie d’être atteints pour la cible 2030;
Que d’après les recherches des Nations Unies (ONU), dans un scénario de statu quo comme Google le présente, d’ici 2050, le tourisme pourrait générer une augmentation de 154 % de la consommation d’énergie, de 131 % des émissions de gaz à effet de serre, de 152 % de la consommation d’eau et de 251 % des déchets solides;
Que cette croissance à 2,4 milliards de touristes internationaux en 2040 exige l’arrivée massive et rapide de solutions technologiques - comme le remplacement du kérosène dans les avions – . une large majorité des scientifiques et des spécialistes constatent qu’il sera impossible de soutenir à temps ce rythme de croissance pour empêcher la hausse des températures. Sans compter que les ressources naturelles exigées par les technologies vont se raréfier.
Enfin, les risques d’insécurité économique dans un contexte de replis nationaux et d’une potentielle bulle financière technologique; d’aléas climatiques en forte croissance; de troubles sociaux causés par le partage inégal de la richesse et du risque d’une nouvelle pandémie ajoute à mes doutes que le tourisme enclenche une croissance tranquille.
Ce qui serait sage, dans ce contexte fluide : en plus de mieux cibler nos marchés internationaux, mieux se vendre aux clientèles québécoises, notre premier marché naturel qui reste à convaincre de moins voyager à l’international pour rééquilibrer notre balance commerciale touristique défavorable. Pour ça, il faut rendre le Québec exotique…
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Jean-Michel Perron
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