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Comment éviter l’écoblanchiment et respecter la nouvelle loi canadienne ?

 


Source photo: Radio-Canada

Chronique réalisée suite à des entrevues avec :
Enfin, comme en Europe  depuis janvier 2024; en  France, depuis janvier 2023 et en Californie  depuis le  1er janvier dernier, inspirée d’ailleurs par la réglementation française -  les entreprises qui surévaluent ou mentent, consciemment ou inconsciemment sur leur respect de l’environnement  ne peuvent plus légalement le faire au Canada depuis juin 2024.  Excellente nouvelle pour les clients/visiteurs et pour les entreprises qui agissent réellement pour la Planète ! 

Mais qu’est-ce qui constitue de l’écoblanchiment et en quoi la nouvelle loi risque-t-elle de vous impacter ? Voilà les questions que vous devriez considérer dès maintenant.

Définition écoblanchiment : On parle d’écoblanchiment lorsqu’un acteur partage une information environnementale fausse ou trompeuse au sujet d’un produit/service/activité en les faisant passer pour écoresponsables lorsqu’ils ne le sont réellement pas. Source : CQDE

Définition  compensation carbone:  La compensation carbone consiste à acheter volontairement des « crédits » équivalents à une certaine quantité d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Les crédits peuvent être achetés pour équilibrer ou neutraliser un bilan carbone par la compensation des émissions qu’on ne peut pas réduire par soi-même. Source : Tourisme durable Québec https://tourismedurable.quebec/lexique/ 

Définition Carbone neutre : La carboneutralité fait référence à un bilan carbone dont la somme des émissions moins les suppressions et les compensations est égale à zéro. Source : TDQ

Définition Carbone Zéro : Les activités de l’entreprise ne contribuent plus aux GES après avoir coupé ses sources d’émissions et retiré celles qu’elle ne pouvait réduire à zéro. Source : Ville de Queenstown, Nouvelle-Zélande.


1. Compensation carbone

La compensation carbone, c’est se donner bonne conscience et constitue à quelque part un droit de polluer si en même temps comme individu, destination ou entreprise vous ne diminuez pas  réellement  vos émissions de GES avec des cibles crédibles (ex :  - 30% en 2027 par rapport à  votre année de référence, celle d’un bilan carbone crédible incluant la portée III et en partie le transport de vos visiteurs, - 50% en 2030 et – 100% en 2035 (net zéro carbone). Voyez ici un outil gratuit de bilan carbone que j’ai développé l’an passé avec AEQ et TDQ en collaboration avec l’UQAC. 

Si pour compenser et s’afficher «  carbone neutre » , vous payez pour faire  planter des arbres ou adhérer à un programme scolaire afin de sensibiliser les jeunes à l’environnement, avec les connaissances scientifiques disponibles en 2024, cela constitue de l’écoblanchiment et vous contrevenez à la loi actuelle parce que nous savons (basé sur la science) que ces types d’actions ne compensent pas à court ou moyen terme et même pas du tout. C’est bon pour la biodiversité ou la sensibilisation de notre jeunesse  mais pas pour se décarbonner dans le contexte de l’urgence climatique. J’avais réalisé un texte là-dessus (lire ICI)  après avoir interviewé nos deux plus grands scientifiques au Québec, reconnus internationalement, dans ce domaine (captation carbone des forêts) avec Catherine Potvin de l’Université McGill  et le regretté Claude Villeneuve de l’UQAC, fondateur de Carbone Boréal. De plus, il fut établi depuis 2 ans qu’une majorité de programmes de compensation par plantation d’arbres ou de protection de la biodiversité sur la Planète ne sont pas crédibles et n’atteignent pas les objectifs promis. C’est pour ça que de nombreuses compagnies aériennes, comme Air France/KML proposent depuis 2022 à leurs clients de compenser en versant une somme pour l’achat de biocarburant pour leurs appareils... Notez qu’il  y a là encore de l’écoblanchiment car le calcul d’un vol, par exemple, Montréal-Paris aller-retour à 1,9tonnes par personne sur Air France, ne tient pas compte de l’impact important des vols sur le climat produit par les trainées de condensations en haute altitude. 

Un des rares programmes de compensation crédible scientifiquement (qui retire l’utilisation directe d’énergies fossiles, la SEULE MANIÈRE DE COMPENSER! )  reconnu et disponible ici, c’est la certification GOLD Standard que Planetair représente au Québec. 

Pour compenser en tourisme, il faut que vous fassiez un bilan carbone crédible et que le programme de compensation (comme GOLD Standard/Planetair) réponde à un protocole stricte et audité  dont concernant le concept d'additionnalité dans le contexte des crédits carbone, en distinguant l'additionnalité financière et environnementale. Les bénéfices climatiques d'un projet, comme des éoliennes, sont calculés par rapport à un scénario de base, en tenant compte du mix énergétique existant sur place. Les crédits carbone ne peuvent être obtenus que si le projet n'est pas rentable sans eux et s'il génère des bénéfices climatiques démontrables.

Toute compensation qui serait faite par des activités au Québec ne serait donc pas valable selon GOLD Standard même si ça permettait de retirer des énergies fossiles comme des projets d’éoliennes ou de panneaux solaires. Parce que nous avons ici  la richesse pour construire des éoliennes sans avoir à utiliser des crédits carbone. 

Le programme « 1% pour la planète »  et autres programmes pour la biodiversité, c’est excellent mais ce n’est pas une compensation qui permet de décarbonner à court terme et s'il se fait au Québec, ne peut répondre au protocole de GOLD Standard. Mais ça fait partie réellement d’un tourisme régénératif, bon pour notre biodiversité et l’adaptation aux changements climatiques. À ne pas confondre avec l'achat de crédits carbone pour compenser vos GES. 

Pour être crédible, il vous faudra donc acheter dans  le " Portefeuille Planetair Mondial" actuellement à 25$ la tonne, composé uniquement de crédits Gold Standard, donc à l’international (ex : les fours efficients dans les pays africains en développement, qui génèrent des crédits carbone en réduisant l'utilisation de bois ou en utilisant des technologies alternatives comme l'énergie solaire). Comme l’a fait l’association touristique Destination Québec cité récemment , la première organisation touristique du Québec  à être ainsi 100% carbone neutre, ce qui respecte la  nouvelle loi sur l’écoblanchiment.

2. Loi sur l’écoblanchiment (modifications de la Loi sur la concurrence)

Cette loi, en application depuis le 24 juin dernier, étend la portée du terme « pratiques commerciales trompeuses » de la loi sur la concurrence : l’écoblanchiment et comment rester à l’écart des fausses représentations en matière d’environnement.

Sans partir en peur, il est fort probable, par exemple, si vous déclarez  votre entreprise «  carbone neutre », «  respectueuse de l’environnement » ou «  durable »  que vous contreveniez à cette nouvelle loi  pour les motifs présentés précédemment.  

Cette loi va changer la communication responsable en tourisme car :
Dès juin 2025, des entités privées pourront déposer une  plainte, avec des éléments minimums, dont le test d’intérêt public,  au Tribunal de la concurrence; (actuellement, seul le Bureau de la concurrence peut le faire)
La responsabilité de la preuve de non-écoblanchiment devant le Tribunal de la concurrence revient à l’organisation visée, pas au plaintif; l’organisation visée devra fournir des preuves crédibles reconnues à l’échelle internationale.
Les pénalités sont lourdes  dont trois fois la valeur du bénéfice tiré du comportement trompeur (ou, si ce montant ne peut pas être calculé raisonnablement, 3 % des recettes globales brutes annuelles de la société).

Retrouvez ICI l’excellent résumé de cette loi avec la firme d’avocats Blakes. 


3. Le risque de l’écosilence (greenhushing)

Conséquence directe de ce nouvel environnement légal, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à cesser de communiquer sur leurs engagements climatiques. On appelle cela l’écosilence. L’édition 2024 du rapport de South Pole, qui vient d’être publiée, nous apprend que tous les secteurs d’activité se livrent à l’écosilence. Parmi les 1400 compagnies sondées, 86 % de celles commercialisant des biens de consommation et 72 % des compagnies pétrolières disent avoir réduit leurs communications.

Selon le magazine The Conversation, cela cause deux conséquences néfastes pour le consommateur et la Planète :

Cette invisibilisation des engagements climatiques risque de réduire la pression que l’opinion publique peut avoir sur les entreprises émettant beaucoup de gaz à effet de serre, et ce, quelle que soit leur taille.
Elle pourrait également conduire à limiter les retours d’expérience en la matière, affaiblir la concurrence entre les entreprises sur le plan environnemental et in fine à ralentir la prise de décisions relevant de la lutte et de l’adaptation au changement climatique.
Selon les spécialistes, il n’y aura pas au Québec  une vague de dénonciation d’entreprises, qui  de bonne foi, font involontairement de l’écoblanchiment. Mais plus les connaissances scientifiques seront partagées et feront l’unanimité, moins une PME pourra écoblanchir.

Afin d’éviter une vague d’écosilence de nos PMEs en tourisme durable, il serait pertinent à partir de la nouvelle loi et des précisions de la « preuve exigée» à venir dans les prochaines semaines; de fournir aux PMEs un guichet de consultation/validation de leur communication durable et de marketing responsable afin de rassurer nos leaders en durabilité qui doivent continuer à rayonner auprès de leurs clientèles et créer un  effet d’entraînement dans notre industrie. Un partenariat entre le Centre Québécois du Droit de l’environnement et Tourisme durable Québec serait fort utile à cet effet.


Jean-Michel Perron


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