Partie I : l’automobile peut-elle être durable ?
Partie
II : transport en commun interurbain
Partie
III : mobilité durable à destination
Partie
IV : transport & marketing durable
Comme on
l’a vu dans la partie I, l’auto solo, même électrique, ne peut être le
mode de transport privilégié pour le tourisme de demain pour les motifs
suivants : les ressources minières sont limitées et polluantes,
la croissance du nombre de véhicules, avec ses impacts négatifs sur le
territoire, par la nécessité de nouvelles infrastructures et l’accès
plus onéreux des véhicules électriques qui provoquent une fracture
sociale... (l’auto solo pour les plus riches!). Maximiser la flotte de
véhicules privés actuelle largement sous-utilisée (l’autopartage a
le potentiel d’être le AirBnB du transport) va ainsi de soi.
L’empreinte
carbone en tourisme diminue généralement en voyageant en commun, en autocar, en
train, et parfois même en avion. Or, au Québec, voyager en train limite
grandement les destinations, l’autocar ne couvre pas l’ensemble des régions
avec un service trop minimal, sinon absent, et l’avion est hors de prix pour le
commun des mortels, sans compter le temps perdu aux aéroports et les coûts
prohibitifs de stationnement. Le Québec, en 2023, pour les
voyageurs qui n’ont pas ou ne veulent pas leur véhicule privé, n’est
vraiment pas accessible sous ces 3 variables: coût, fréquence et
capacité. Sans compter que les citoyens québécois pourraient se faire
convaincre d’abandonner la coûteuse seconde voiture avec un transport en commun digne de
ce nom… Quoi faire, alors?
Pour
calculer l’impact environnemental de ses voyages, il y a trois
facteurs :
- Le type de véhicule utilisé
- La distance parcourue
- Le nombre de passagers voyageant avec
vous
Dans la
majorité des cas, les véhicules de transport en commun génèrent par passager
moins de GES, surtout pour les couples et les personnes seules. J’aime bien
cette grille des modes de transport selon ces 3 facteurs :
Source: Getting There Greener, The Guide to Your Lower-Carbon Vacation, Union of Concerned Scientists, 2008.
1. RÉSEAU D’AUTOCARS INTERURBAINS : l’avenir du Québec des régions
!
« Un seul
autobus peut remplacer plus de 40 automobiles, économiser 70 000 litres de
carburant et empêcher le rejet de 168 tonnes de polluants par an. » –
Équiterre
« Un
passager d’un autobus émet 3 fois moins de gaz à effet de serre (GES) qu’un
automobiliste seul. » – Action Climat
Que ce soit
pour les voyages nolisés ou les « lignes »
interurbaines régulières, les tours de ville ou les minibus, le
transport en autocar répond parfaitement pour l’accessibilité, la durabilité et
le développement touristique à une majorité de nos destinations, sauf pour le
Nunavik et la Basse-Côte-Nord. Et c’est le mode de transport collectif parmi
les moins dommageables pour notre climat.
Source: Updated Comparison of Energy Use & Emissions from Different
Transportation Modes, June 2019, American Bus Association.
Un réseau
fiable, abordable et avec une fréquence minimale, couvrant l’ensemble des
municipalités du Québec, peut devenir la colonne vertébrale de notre mobilité
durable en tourisme. Et il n’y a pas que des autocars « standards » sur
les lignes régulières. L’offre peut être variée dans la qualité des services
offerts, allant des autocars actuels aux autocars luxueux avec services à bord
ou de nuit avec couchette, que j’ai moi-même opérés entre le Québec et la
Floride dans mon ancienne vie d’autocariste et que j’ai expérimentés le mois
dernier au Vietnam. Un autocar de nuit Montréal/Gaspé ou un Montréal/Sept-Îles
pourrait très bien s’opérer…
Comme
l’Allemagne vient de le faire pour le train en offrant un abonnement illimité
pour les petites lignes à 49 euros par mois, ou encore la région touristique
d’Occitanie, qui offre, toutes les premières fins de semaine du mois, les
billets des trains régionaux à 1 €; imaginez un incitatif québécois du même
ordre pour l’autocar de banlieue et interurbain la journée où nous aurions un
réseau vert digne de ce nom (fréquence et capacité) !
Siège-lit dans un autocar Napaway aux États-Unis.
Autocars
électriques ou à hydrogène ?
Québec
Solidaire, et récemment notre gouvernement, faisaient référence à des autocars
électriques comme solution de notre mobilité en région.
Permettez-moi de douter pour des distances supérieures à 300km – surtout en
hiver – de la pertinence de véhicules électriques lourds. L’avenir est
à l’hydrogène vert, que le Québec peut très bien produire. Certes, les
coûts de production sont élevés et les volumes d’approvisionnement restreints
en raison des procédés peu efficaces, mais ça évolue rapidement et le Québec,
avec son hydroélectricité pour le produire, peut très bien se positionner dans le transport
long-courrier (autocars, camions et avions)... D’ailleurs, le fabricant de
moteurs Cummins va entrer en production de moteurs à hydrogène en 2027, alors
que la conversion des véhicules actuels pour utiliser l’hydrogène
nécessite « peu de modifications », selon le fabricant. Et comme énergie
de transition d’ici 2027 : considérer le biodiesel (produit
à partir d’huiles alimentaires usagées et de graisses animales) qu’on mélange
tout simplement au diesel actuel et qui peut se faire dans toutes les régions
du Québec, mais en quantité limitée…
2. TRAIN TGV TORONTO-QUÉBEC : du long terme nécessaire !
Heureusement, la classe politique du Québec s’affirme, depuis quelques mois, pour exiger d’Ottawa un TGV tout électrique entre Québec et Toronto, et non pas un TGF pour les raisons que j’évoquais dans TourismExpress à l’été 2021 : une réduction de seulement de 25 à 30 minutes sur le trajet Québec-Montréal qui se fait actuellement en 3h24 minutes et uniquement de 40 à 60 minutes sur le 5h30 actuel entre Montréal et Toronto. Qui voudra prendre cette limace? En TGV, le trajet Montréal/Québec se ferait en 1h26 minutes et un Montréal/Toronto en 2h47 ! Et ainsi, qui voudrait prendre alors l’avion, avec ses contraintes aéroportuaires, ou encore son automobile privée devenue trop lente, même électrique ?
Montréal et
Québec sont de loin les deux pôles touristiques de notre principal marché
touristique étranger : les Américains. Avec un TGV, des dizaines de
milliers de touristes québécois, ontariens et américains qui voyagent
actuellement sur l’autoroute 20 vont laisser leur auto chez eux ou à leur hôtel
de Montréal, en route vers Québec…
La mise à
niveau des voies de trains Via Rail vers l’Abitibi et le Saguenay,
dans une perspective de « slow tourisme », devrait être considérée.
Intégrer le
futur retour du train en Gaspésie avec une connexion par
« autocar vert » de Québec à Matapédia, pour ensuite prendre ce
futur train vers Gaspé.
Faire
connaître l’actuel train innu Tshiuetin – signifie “Vent du Nord”
en langue Innue – de Sept-Îles à Shefferville et développer un hub
nordique aérien et par motoneige de Matimekosh/Lac John.
3. AVION: UNE NÉCESSITÉ À RENDRE DURABLE !
Vaste
sujet. L’aérien est le secteur émettant le plus de GES en tourisme (de 2,5% à
3,5% des GES mondiaux, si on inclut ou pas les trainées de condensation en
haute altitude, cette eau étant un GES). Le nombre d’avions, selon Airbus,
va doubler d’ici vingt ans, alors qu’aucune énergie durable ne sera
disponible en volume avant 2035 au plus tôt – hydrogène – pour répondre à la
demande, sauf en petite partie les SAF (Sustainable Aviation Fuel).
Ryanair a annoncé, le mardi 9 mai dernier, une commande de 300 moyen-courriers
737 MAX 10. La plus grosse commande de l’histoire de Boeing. Son propriétaire,
M. O’Leray, s’était démarqué il y a quelque temps en affirmant que la
responsabilité de l’homme, dans le réchauffement climatique, « ce ne
sont que des conneries ».
Et
l’aérien, pour le tourisme québécois, c’est de loin la grande majorité des GES
que nous générons, principalement par les vols internationaux de nos visiteurs.
Nous ne pouvons moralement faire fi de cette réalité. Comme le font les
pétrolières de l’Ouest canadien qui se disent carboneutres dans leur
production, mais se dissocient des GES provoqués par leur pétrole brulé dans
les pays où elles exportent… Nous devons, comme la France ou la Norvège,
assumer ces GES de nos visiteurs internationaux. Les solutions, à part la
compensation carbone – qui n’est pas en soi une solution ? Il faut voyager
moins en avion, voyager en classe régulière et par des vols directs. Il faut
réaliser sa mise en marché de destination vers des marchés de proximité…
Pour les vols
aériens à l’intérieur du Québec, dans le moyen terme, lorsque nous aurons un
réseau d’autocars verts bien en place (2030?), il faut interdire ces vols comme
la France l’a faite pour tout trajet qui se fait en train en 2h30 et moins. On
sait que c’est le décollage qui consomme souvent le 1/3 du kérosène des
réservoirs de l’appareil… alors plus un vol est court, plus l’empreinte carbone
est élevée par km parcouru.
Il faut
cesser les improvisations (subvention du 500$ par siège, pour laquelle j’avais prédit l’échec ICI) ou les subventions récurrentes
aux transporteurs régionaux actuels. Ce qu’il faut, c’est une véritable
stratégie durable de transport aérien régional, un Québécair 2.0 ou un TREQ qui n’a jamais décollé, à cause du
scepticisme d’un seul homme omnipotent, M. Fitzgibbon.
Une
excellente nouvelle serait que le gouvernement du Québec – lors de l’annonce,
en juillet prochain, des projets industriels retenus pour la répartition des
blocs d’énergie – accepte de considérer la compagnie montréalaise SAF+,
associée à Transat AT et Airbus. Le SAF – l’empreinte carbone de ce carburant
durable est 92 % inférieure au carburant classique – n’est pas de l’hydrogène.
Le SAF serait l’idéal pour les vols long-courriers (2028+) et l’hydrogène pour
les vols intra-Québec (2035+). Le gouvernement du Québec devrait accorder
un bloc d’énergie au consortium SAF+ tout en exigeant que ce nouveau carburant
soit obligatoire pour tous les vols intérieurs au Québec d’ici à 2035, en
attendant l’arrivée subséquente de l’hydrogène vers 2035-2040.
L’avion
demeurera un besoin pour tous les déplacements de 500 km et plus au Québec ou
pour les zones sans route ou sans traversier. À nous d’être des pionniers en
transport durable. Nous avons tous les atouts. Quel privilège !
4. MULTIMODE : INTÉGRER TOUS LES TRANSPORTS
Avoir un
TGV entre Québec et Montréal, un réseau intégré d’autocars verts et des avions
au SAF ou à hydrogène vont transformer socialement, économiquement et
environnementalement parlant, en profondeur, le Québec. Pour ses citoyens et
ses visiteurs. Mais un défi de taille demeure : la connectivité entre les types
de transports collectifs et entre les modèles alternatifs d’autos solo
(covoiturage/autopartage), incluant nos traversiers. Les itinéraires de voyage
sont multiples et il n’y a pas qu’une seule façon de voyager. Offrir un guichet
unique et électronique avec un titre de transport commun, coordonner les
horaires, s’assurer d’offrir des gares-relais dignes de ce nom, etc…
constituent des considérations nécessaires à la qualité de notre accueil et de
nos services.
Sans parler
du défi du dernier kilomètre, lorsque rendu à destination. C’est le sujet du
prochain article portant sur le transport durable en tourisme au Québec, rendu
à destination.
Jean-Michel Perron
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