La bonne
nouvelle : on parle des régions et on parle de faire du tourisme au Québec
avec un incitatif financier pour l’aérien. Personne n’est contre la vertu.
« L’accès
à notre territoire et à nos régions doit être considéré comme un service
essentiel » a affirmé mardi le ministre des
Transports, François Bonnardel. On est tous d’accord. Ce plan vise l’augmentation
de la demande qui incitera les compagnies aériennes à étendre leur offre et à
bonifier celle sur les liaisons existantes. Le gouvernement espère créer un
mouvement afin que les transporteurs aériens se livrent une compétition plus
forte amenant la réduction des tarifs sur une base permanente. À moins
d’ajustements et d’une planification des destinations accélérée pour 2023, ce
n’est pas ces billets à 500 $ qui vont permettre l’atteinte de cet
objectif louable. En passant, contrairement à ce qu’affirmait Radio-Canada ICI, (pourvoir payer 500$ de Saguenay vers Montréal), le nouveau plan stipule :
« Ainsi, toutes les Québécoises et tous les Québécois pourront
bénéficier de tarifs raisonnables sur des liaisons ciblées, et ce, pour un
déplacement réalisé à partir des grands centres vers les régions
éloignées et isolées ». Bref, c’est n’est pas et ne doit pas être au bénéfice touristique de
Montréal et de Québec ce programme...D'ailleurs, comment les transporteurs vont contrôler ce volet ?
Voici pourquoi l’objectif du ministre, par l’apport du tourisme d’agrément, ne sera pas atteint de sitôt à moins d’agir sur divers volets en tourisme :
Gaspé, Sept-Îles,
Rouyn-Noranda, Saguenay :
forfaits disponibles FIT ?, nombre de véhicules locatifs suffisants,
vols les fins de semaine très limités ;
Îles-de-la-Madeleine : nul besoin de plus de touristes
l’été, l’intérêt est l’automne et l’hiver
Port-Menier,
Blanc Sablon (icebergs), Natashquan/La Romaine, Chibougamau (Ouje-Bougoumou) : potentiel d’attractivité très
élevé, mais absence ou très faible capacité d’hébergement, de transport
local et surtout d’activités organisées (Anticosti : les vols nolisés
de la SÉPAQ ne seront pas couverts par ce 500 $ ttc ?). Par exemple, avec ma photo de l'iceberg, même s'ils sont nombreux de mai à la fin juin dans le détroit de Belle Isle face à Blanc-Sablon, vous devrez les observer de la rive car il n' y a aucune compagnie d'excursion québécoise...
Notons l’absence
des régions Eeyou Istchee/Baie-James et Nunavik dans ce programme alors que
l’avenir du tourisme nordique et autochtone n’est pas à démontrer. Certes,
l’offre touristique crie en Eeyou Istchee reste à se finaliser et la capacité
au Nunavik à augmenter, mais pourquoi cette absence alors que les coûts des
billets sont si élevés dans ces zones ?
Faut prendre une approche
client pour voir l’intérêt réel de cette mesure ! Voici mes personas :
a. Lucie et Vincent, couple quarantaine, employé/gestionnaires, avec 2 ados de St-Bruno. Ils hésitent cet été pour des vacances avec chalets locatifs entre le Saguenay Lac-Jean ou la Côte-Nord. A 2000 $ en billets d’avion + stationnement à YUL + location d’une auto sur place, ils vont prendre leur véhicule privé. Le choix n’est pas difficile. Faudrait l’essence à 2,50 $/litre pour les faire changer d’idée…
b.
Jean-Marc
et Monique, jeunes
retraités de Lévis. Rêvent d’aller au Ïles-de-la Madeleine depuis longtemps.
Vont profiter du 500 $ car ils étaient prêts à payer de toute manière le
prix actuel plus élevé…
c.
Fabrice
et Marie, jeune couple de
professionnels de Bordeaux. Premier séjour au Québec. Veulent faire le
classique « Québec et Ontario » incluant le tour de la Gaspésie. Un billet à 500 $ ? Aucun intérêt.
d.
Mathieu, informaticien de Montréal, participe à un
congrès à Saguenay en début octobre 2022. Comme sa compagnie va lui rembourser,
65 c/km X 922 km, soit 600 $, comme sa conjointe souhaite
visiter le Saguenay avant le Congrès, ils préfèrent prendre leur véhicule.
e. Tom
et Jerry de New York,
avec d’autres aventuriers aguerris de l’international, s’intéressent à une
expédition en canot sur la rivière Georges. Malheureusement, pour se rendre à
Shefferville en avion, afin d’y prendre des hydravions avec leur équipement, il
faut savoir que cet aéroport ne fait pas partie du nouveau plan. Avec un billet
Montréal-Shefferville du 5 au 19 juillet à 2347 $ par personne, ils
ne viendront pas.
Subventionner avec
des fonds publics le tourisme sur une base récurrente peut sous certaines
circonstances être nécessaire, mais est-ce le cas ici alors que le projet de la
coopérative Treq était justement, sans aucune subvention de Québec, de diminuer
les coûts du billet d’avion à 500 $ et moins en utilisant un appareil plus
gros (Q-400, 78 passagers). Pourquoi le gouvernement n’a pas encore appuyé
Treq, en projet pilote, si ce n’est que pour préserver les intérêts des autres
transporteurs privés ? Le prof de référence du ministre des
Transports (Jacques Roy de HEC, sur lequel le gouvernement vient s’appuyer) écrit pourtant dans son
rapport : « Tout d’abord, le coût par siège diminue
avec la taille de l’avion utilisé. Ceci est un facteur technologique qui
favorise l’utilisation d’appareils de plus fort gabarit ou, du moins,
comportant un maximum de sièges. Ainsi, un jet régional de 100 sièges
offre l’avantage d’un coût unitaire inférieur d’environ 15 % par rapport à
un jet de 50 sièges. L’écart est encore plus grand entre un Dash-8 de 36 sièges
et un Beechcraft de 18 sièges… » M. Roy écrit également : « Le transporteur subventionné est peu enclin à améliorer sa
productivité. » – page 5. Pourtant, c’est exactement ce que vient
d’annoncer le ministre avec tous les transporteurs maintenant subventionnés à
charger le plein tarif au gouvernement. (comment le gouvernement va d'ailleurs freiner l'appétit des transporteurs privés à lui charger le plein tarif sur les billets payés 500$ par les touristes?)
Lorsque ce nouveau plan dit s’appuyer sur le rapport de 2021 de ce prof du HEC, M. Jacques Roy, qui compare la tarification de l’automobile désavantageusement à l’avion en calculant « une valeur du temps à 15 $/h dans son trajet » (!!!) pour les touristes d’agrément et que nulle part dans les comparables mondiaux présentés, il n’est question d’une subvention par billet comme Québec vient de l’annoncer, je m’inquiète. Il faut mal connaître la psyché touristique en écartant ainsi l’attirance des « road trips » à la Jack Kerouac, l’appréciation des paysages de notre Québec, l’intimité de couple/famille avec le plaisir partagé de voyager et d’être ensemble sans avoir à payer un stationnement d’aéroport, les restos sympas sur la route, les attraits et activités de nos terroirs en chemin….
5. Le tourisme durable et l’intermodalité sont où ?
Les vols courts
Comme je l’écrivais récemment, « la France interdit dorénavant les
vols en deçà de ce qui peut se faire en 2 h 30 par train à
l’intérieur de la France car pour les appareils, la phase de décollage représente
en moyenne 30 % de la consommation de kérosène totale d’un vol. Ainsi,
plus c’est court, plus l’empreinte carbone par passager est élevée par
kilomètre parcouru… ».
Un vol Québec/Mont-Joli, Montréal/Saguenay ou pire un Montréal/Québec, lorsqu’il y a d’autres alternatives plus durables (autocars interurbains, train, covoiturage) n’est pas acceptable pour la planète, faut-il le rappeler.
Carburants durables
Par ailleurs, quelle est la politique gouvernementale des
vols régionaux relative aux carburants durables pour l’aviation tels que les
biocarburants et l’hydrogène ? Quelle vision ? Quels objectifs à ce chapitre ?
Intermodalité et transport collectif en région
Même si nous n’avons pas le réseau ferroviaire européen (ni
ne l’auront avec le projet douteux d’Ottawa du TGF que je traitais également en juillet dernier), comme l’auto électrique ne réglera pas tout face aux GES, comme
les autocars à hydrogène ou en biocarburant, c’est pour bientôt et devrait être priorisé/structuré. lorsque possible face à l'avion très émetteur de GES ; comme nous
avons un bon réseau de traversiers et certains trains secondaires ; comme le partage
des véhicules privés va devenir courant, alors dites-nous, Monsieur le ministre, comment le
transport aérien régional s’inscrit avec les autres modes de transports, dans
une vision durable des expériences touristiques en région ?
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Bref, on a du travail afin de faire atterrir cette annonce dans notre réalité touristique. C’est jouable, mais il nous faut une vision et une stratégie qui vient normalement avant le début d’un tel programme quinquennal, effectif le 1 juin prochain.
Jean-Michel Perron
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