«Les oiseaux nés dans une cage
pensent que voler est une maladie.» - Alejandro Jodorowsky
En ces temps prévaccins/médicaments COVID, dans le contexte d’un modèle
économique ayant dépassé ses limites moralement acceptables et la crise
provoquée par les changements climatiques, que devrions-nous et que
pouvons-nous faire?
Le tourisme au Québec se compose de multiples réalités. Il y a, entre
autres, ceux et celles dont les salaires de décideurs en tourisme ne
dépendent pas de la santé financière des PME (DG d’associations, hauts
fonctionnaires, etc.) et il y a de nombreux entrepreneurs qui risquent leur
carrière, leur portefeuille et leur équilibre tous les jours, ces temps-ci. Ces
groupes veulent revenir à la normale de 2019. Les premiers ne voient pas
l’urgence de se réinventer MAINTENANT face aux changements du comportement des
touristes – et encore moins face à la menace climatique – et les
seconds recherchent essentiellement des soutiens financiers à court terme. Or,
dans les deux cas, cette façon de penser nous mène face à un mur qui nous
pénalisera tous.
Nous sommes le secteur économique le plus touché par la pandémie,
devenons le secteur qui se réinvente le mieux! On doit imaginer un
véritable plan de transformation du tourisme québécois et
mondial au lieu d’un plan de relance qui nous ferait repartir
comme avant. L’enjeu n’est plus de chercher uniquement une croissance du
tourisme, mais bien de rechercher le développement d’un tourisme à impacts
positifs, que ce soit pour l’humanité, pour l’environnement et pour tous nos
territoires.
Comme on le constate présentement, la réalité des entreprises touristiques au Québec évolue dans un spectre très large où mon ami Louis connaît sa meilleure saison à vie à titre de pourvoyeur, Alain sa pire comme hôtelier à Québec, tandis que Marie-Eve et Jacques viennent de perdre, la semaine dernière, leur emploi dans deux agences forfaitistes distinctes. Comment alors leur demander de se projeter dans 5, 10 ou 20 ans, alors que demain est incertain? Comment imaginer que moi, restaurateur de Montréal ou employé de l’ATR du Saguenay–Lac-Saint-Jean ou préposé à la réception chez Riôtel en Gaspésie, puisse faire une différence face à ces enjeux planétaires, si lointains en apparence? Réponse courte: Parce que NOUS N’AVONS PAS LE CHOIX. Nous sommes tous sur la même petite planète. Tous une petite partie imbriquée dans la même Nature, notre Mère la Terre, comme disent mes amis amérindiens. Et pour notre Mère malade, faut surtout pas l’envoyer dans un CHSLD, faut s’en occuper soi-même. Et tant qu’à devoir changer, pensons alors à rêver mieux pour notre avenir. Ça commence maintenant avec toi et moi, si tu le veux bien. Pas faire plus, faire mieux.
ENTREVUE DE 11 MIN. SUR CE TEXTE
TABLE DES MATIÈRES
UN TRONC COMMUN EN TOURISME
SIX ORIENTATIONS
1. Support de PME
durant COVID-19 & financement écoresponsable
2. Nouvelles mesures de performance
3. Nouvelle gouvernance
4. Sept transformations du tourisme québécois
5. Nouvelles clientèles cibles, nouveau marketing
6. La technologie
UN TRONC
COMMUN EN TOURISME
Le tourisme est un secteur très fractionné, avec des réalités variables
selon la localisation géographique et le secteur d’activités. Nous pouvons par
contre dégager ensemble une vision commune, avec de nouvelles orientations
partagées par une majorité d’entre nous. Mais il faut accepter de changer.
Changer nos façons de penser et de travailler. Accepter le risque. Vous
trouverez possiblement des éléments que je suggère dans cette trilogie comme
étant utopistes et «voués d’avance à l’échec». SVP retenez
plutôt les idées que vous croyez applicables, même si un peu trop novatrices, à
priori. Pour les autres idées que vous jugez inopportunes: c’est en marchant
qu’on apprend à marcher… En ce sens que nécessairement, dans la réalité de la
mise en place, les concepts et les actions se transforment. Ainsi va la vie!
SIX
ORIENTATIONS
1. Support de
PME durant COVID-19 & financement écoresponsable
Il faut éviter de perdre nos acquis. Il y a toujours eu de multiples
ouvertures/fermetures de PME en tourisme, surtout en restauration, mais
l’expertise, la qualité des expériences offertes et le bon vouloir
d’entrepreneurs doivent être soutenus si on veut maintenir une certaine
capacité lorsque la reprise se fera. De plus, souvenez-vous que l’enjeu #1 en
tourisme au Québec était, avant la COVID et de loin, la disponibilité des
ressources humaines. Ce n’est plus le cas actuellement mais le redeviendra,
même sans une reprise complète, car de nombreux travailleurs ont déjà quitté
notre secteur. D’où la nécessité de soutenir par des fonds publics des
entreprises et leurs travailleurs durant la crise sanitaire pour encore au
moins 8 mois. Une réflexion sur les conditions de travail de nos travailleurs
essentiels (préposés aux chambres, employés de cuisines, etc.) se doit d’être
entamée (même si nous ne sommes pas des CHSLD) sur leurs conditions de travail
dans la perspective d’une plus grande équité.
On conviendra tous que des programmes de soutien basés essentiellement sur
des prêts et non pas des subventions non remboursables, ne font que retarder
les problèmes pour les propriétaires. Ce que les gouvernements devraient faire
dorénavant, par contre, c’est d’exiger des entreprises le respect de critères
d’écoresponsabilité, tel que recommandé par le commissaire au développement
durable québécois, Paul Lanoie, pour l’atteinte de l’objectif du gouvernement
Legault de diminuer de 37,5 % les émissions de GES en 2030, par rapport à 1990.
Cible en deçà de ce que recommande le Groupe d’experts intergouvernemental sur
l’évolution du climat (GIEC) pour éviter la catastrophe climatique, soit 50%
pour 2030 et zéro émission en 2050. Même si de telles exigences pour des PME
touristiques, dans le contexte de la crise sanitaire, ne peuvent être
appliquées rapidement, mais devraient l’être à la sortie de la crise
sanitaire. Les critères obligatoires d’écoresponsabilité[1] en tourisme à respecter doivent
devenir la norme, à l’avenir, de tous les programmes de soutien financier.
Concrètement, avec la fin anticipée de certaines mesures de soutien
d’urgence sous peu (salaires à 75%, congé de loyer),avec le
risque de fermetures définitives d’hôtels et de restaurants principalement à
Montréal et à Québec et leur acquisition potentielle à rabais par des intérêt
étrangers, nos gouvernements doivent, afin d’éviter la catastrophe définitive
pour des centaines de nos confrères et consœurs entrepreneurs, renouveler les
mesures de soutien (salaire 75%, congé de loyer) en y ajoutant un % de
congé de taxes foncières, en soutenant par ricochet les municipalités
qui ne peuvent légalement faire un déficit. Imaginez, le Château Laurier à
Québec paie 1 M$ à la Ville de Québec en taxes annuelles. Tant qu’un taux
d’occupation minimal assurant la rentabilité ne puisse être atteint, les
entreprises ne pourront soutenir ces déficits sans des liquidités énormes, car
une certaine «normalité» en tourisme ne reviendra au plus tôt que dans 2
ans…
Ces mesures devraient devenir accessibles uniquement pour les
entreprises dans les secteurs d’activités et les zones géographiques encore
problématiques et non pas fournir des programmes «mur à mur» tel
qu’actuellement. Les fonds publics ont leurs limites.
Par ailleurs, un symbole du nouveau tourisme? La tyrannie des retombées
économiques et de la supposé visibilité des événements pour justifier l’apport
massif de fonds publics doit cesser dans le contexte de crise climatique, le
respect des principes du développement durable et de sa loi actuelle, rarement
respectée. Notre argent géré par les gouvernements doit aller vers du durable[2].
À titre d’exemple, le type d’attitude suivant n’a plus sa place dans le nouveau
tourisme: «Ce que je déplore, c’est qu’en date d’aujourd’hui, personne ne
m’a rappelé pour me dire que le plan était bon ou non, pour faire des
recommandations ou pas. Et ceci va ajouter à l’occasion ratée», a dit le patron du GP du Canada François Dumontier vendredi
après avoir annoncé l’annulation de la course, décidée par la F1. Le patron d’Octane
Management a également laissé entendre que l’administration de la mairesse
Valérie Plante n’avait pas remué ciel et terre afin de venir en aide au plus
grand évènement sportif au pays, en termes de retombées économiques. En 2010,
le ministère des Finances du Québec prévoyait d’ailleurs que les retombées
fiscales du Grand Prix de Montréal seraient de l’ordre de 18 millions.
«On aurait pu remettre Montréal sur la map», mentionnait le promoteur Dumontier, soulignant que les cotes d’écoute
importantes auraient été une vitrine pour la métropole.»
Ceci étant, la politique économique des relances gouvernementales à
venir sous peu ne peut pas avoir pour seul objectif le soutien aux secteurs en
difficulté, elle doit s’appuyer sur une vision d’avenir. Notre stratégie en
tourisme ne doit pas se limiter à exiger des gouvernements des millions de
dollars pour soutenir les entreprises qui auront réussi à passer au travers de
la COVID-19, tout comme on ne doit pas que viser à un retour à la normale comme
en 2019. Agir ainsi serait suicidaire et une occasion ratée de se réinventer,
comme d’autres destinations touristiques l’entreprennent actuellement. Bref, il
ne pourra pas y avoir de retour à la normale, car il ne pourra plus passer pour
normal qu’on prenne l’avion comme s’il s’agissait d'un taxi.
En résumé, la bonne question à se poser, c’est comment nous pouvons
vivre bien du tourisme, de manière à protéger notre santé et celle de la
planète.
2. Nouvelles
mesures de performance
Évaluer le succès du Québec en tourisme essentiellement sur le critère
de la croissance du nombre et des recettes provenant des visiteurs n’est pas
soutenable pour notre industrie et notre planète. Générer plus de revenus par
visiteur devrait faire partie de nos objectifs économiques communs, mais ne
doit pas en être le principal. Tout comme évaluer la performance des pays sur
l’unique PIB ne tient plus la route dans le contexte environnemental et
sociétal. Le problème avec le PIB, c’est qu’il n’est composé que d’additions.
Les coûts et bénéfices sont calculés sans faire de distinction entre les
activités productives et destructrices. Ainsi, les incendies récurrents actuels
sur la côte ouest américaine sont bons pour le PIB, car ils génèrent de
l’activité économique!
Changer notre façon de voir le tourisme, c’est remplacer ces
statistiques actuelles de l’ Alliance de l'industrie touristique du Québec
:
Par ces mesures de performance : (éléments uniquement à titre d’exemples)
LE TOURISME AU QUÉBEC EN 2025 :
- 12 572 entreprises
certifiées GSTC, soit 42% des PMEs
- Réduction réelle des GES de
18% en tourisme depuis 2022 (réductions réelles)
- Approvisionnements et achats
à 68% (aliments/équipements/matériaux) fabriqués au Québec, versus 32% en
2019
- Taux de résilience
financière des nouvelles entreprises à 85% après 5 ans, en hausse
constante depuis 2020
- Répartition du nombre de
visiteurs Québec/Montréal versus régions à 50/50, versus 60/40 en 2019
- Transport collectif
touristique en hausse de 124% versus 2019 et en croissance de 87% versus
transport individuel
- Véhicules électriques des
touristes et des PMEs touristiques (auto, autocar, minibus, motoneige,
quad, bateau) représentent 72% du parc de véhicules utilisés dans le
secteur
- Une baisse réussie de 10% du
nombre de visiteurs internationaux versus 2019, mais croissance de 35% des
revenus
- 85% des touristes
intra-Québec générant 55% des dépenses touristiques totales
- 3e secteur économique ayant
réduit le plus ses GES en 10 ans
3. Nouvelle
gouvernance
Comme on l’a vu dans la première partie de cette trilogie, l’attrait de la campagne et des
régions n’est pas que touristique, mais aussi un appel pour bien des gens à
aller vivre à la campagne. De plus, tous les aspects des milieux naturels, des
espaces publics et communautaires, des transports, des terres cultivables et de
prélèvement forestier doivent être reconsidérés. Afin de se doter
collectivement des outils nécessaires pour répondre aux défis de demain, une
régionalisation réelle des pouvoirs et de l’argent public doit se concrétiser
tout en utilisant des critères nationaux. Bref, l’occupation du territoire pour
plus d’équilibre centre/périphérie et ainsi dissiper les fractures économiques
et sociales.
Le gouvernement Legault s’est engagé à promouvoir et à soutenir le
développement des régions. Il a mandaté la ministre déléguée au Développement
économique régional, Marie-Ève Proulx, pour préparer une Stratégie
gouvernementale de développement économique local et régional. Celle-ci leur
sera éventuellement acquise par une véritable politique de décentralisation
dans un rapport de complémentarité entre le pouvoir central et le pouvoir des
collectivités territoriales (municipalités locales, MRC et régions). Dans le
cadre de cette politique, les MRC auront l’obligation de préparer et d’adopter
un Projet de territoire concrétisé par une Charte de territoire et un Plan
d’action pour une période de 10 ou 12 ans, en conformité avec les orientations
générales de la Politique nationale d’aménagement et de développement du
territoire et des priorités régionales. Des ententes contractuelles convenues
entre les MRC et l’État central et ses ministères procureront les fonds
nécessaires au financement des projets retenus.
Et le tourisme? Dans ce contexte, une refonte complète des Associations
touristiques régionales doit être considérée afin de rapprocher en
régions (excluant Québec et Montréal) les outils et les budgets vers les
organisations les plus aptes à répondre aux enjeux liés au développement
durable: les MRC avec leur table régionale des préfets. Partager
dans une même organisation l’aménagement durable du territoire, son
développement économique dont le tourisme et son accueil relève de la logique.
À ceux et celles qui direz que ce serait une erreur de politiser le tourisme en
le migrant vers une structure régionale dirigée par des élus: les règles de
gouvernance et d’imputabilité se sont transformées depuis quelques années et de
plus, si le gouvernement du Québec transfère effectivement de nouveaux pouvoirs
aux régions, ces règles seront nécessairement revisitées. À ceux et celles qui
pensez perdre vos emplois, c’est le contraire, ce sera une grande
transformation des tâches pour le personnel d’ATR avec l’acquisition de
connaissances pour supporter les PME locales dans les technologies vertes et
les nouveaux processus…
Le rôle essentiel des Associations touristiques sectorielles (ATS)
permet horizontalement d’assurer une uniformité du développement et du soutien
de leurs membres aux intérêts communs à travers le Québec. Il doit donc
demeurer.
Cette nouvelle dynamique doit pouvoir compter sur une nouvelle relation
entre les régions et Québec/Montréal. Particulièrement Montréal,
notre porte d’entrée du tourisme international. Montréal a tenté au cours des
dernières années de jouer son rôle de leader en tourisme en favorisant les
ententes avec d’autres régions. Mais le défi est beaucoup plus grand que le
tourisme. L’actuel clivage entre Montréal et le reste du Québec sur de
multiples enjeux (langue, immigration, politique, etc.) est malsain pour tous.
Nous avons tous intérêt que Montréal retrouve sa vitalité, son attractivité et
sa joie de vivre.
L’Alliance de l’industrie touristique du Québec
doit également prendre en charge la promotion
intra-Québec afin de créer un réel engouement auprès des Québécois,
que seules des campagnes nationales peuvent générer. Mais il faudra apprendre à
parler au Québécois, ce que l’Alliance et les agences de l’ARF n’ont pas su
faire, cette année. Cette mise en marché intégrée sur l’intra-Québec a donc
manqué cruellement et serait, sur une base régulière, largement plus efficace
et plus économique que les millions actuellement dépensés par les ATR
individuellement (désolé pour les agences de pub). Notez qu’une approche
uniformisée du marketing touristique au Québec ne signifie pas que les
régionalismes ne pourront pas être mis en valeur ou que les PME locales
désirant y participer ne puissent s’y retrouver!
4. Sept
transformations du tourisme québécois
1 - CULTIVER ET PROTÉGER NOS UNICITÉS
Les visiteurs d’ici ou d’ailleurs viennent au Québec pour y vivre des
expériences différentes, uniques. L’unicité est l’argument de vente en tourisme
le plus fort, en autant que celui-ci réponde à un besoin ou à un désir du
visiteur. Tel qu’on l’a vu, le voyageur recherchera de plus en plus des lieux
qui transforment, qui rapprochent, et les éléments d’unicité d’une destination
provoquent cette immersion recherchée.
Langue française et culture
québécoise
Rêver mieux, c’est aussi préserver notre langue. Le français est menacé,
et pas qu’à Montréal. Nous, gens du tourisme, depuis 5 ans, suivons la tendance
française de l’anglicisation. Lu récemment dans un texte du journal Le Monde: «Afterworks
dans la Manche et job dating en Aveyron…»
De plus en plus de noms d’entreprises touristiques en anglais :
Beside, Glampsource avec
ses «treehouses»
Qbeds à Québec, et même cette annonce d’un forfait Explore Québec:
C’mon guys ! Soyons fiers de notre langue !
Et la culture québécoise, dont celle patrimoniale, rabaissée subtilement
par certains comme étant quétaine (ex.: cabane à sucre) demeure essentielle
dans l’appréciation des visiteurs de demain. Uniformiser les cultures par une
mondialisation sans limite revient à se perdre soi-même, même si pour plusieurs
cela signifie «être de son temps», alors que les voyageurs que nous sommes
priorisent la diversité.
Paysages
Avec le magasinage, les paysages en général constituent l’attrait
touristique le plus recherché par les touristes de la planète. Surtout les
paysages uniques, bien préservés.
J’en parle depuis des décennies maintenant. Lire ici un papier de 2003 à ce sujet. Tristement, rien n’a changé depuis.
Il y a les beaux noyaux villageois, les parcs naturels, les routes… Or, au
Québec, contrairement à d’autres destinations proches (Vermont) et lointaines
(Costa Rica), on ne priorise pas la protection des paysages. Une charte
nationale des paysages permettrait au Québec de préserver ses joyaux.
Cultures autochtones
Il y a 11 nations autochtones au Québec. Chacune de ces nations possède
sa culture distinctive avec sa langue, son histoire, ses coutumes et sa manière
de voir le monde et la nature. Tout comme pour la culture québécoise, elles
sont de plus en plus menacées par la mondialisation et la langue anglaise. Mais
encore aujourd’hui, souvent avec leur grande accessibilité territoriale, elles
représentent – même si peu connues et développées en tourisme – un atout de
taille pour le Québec touristique de demain.
2. UN PACTE VERT EN TOURISME
Développons un pacte vert en tourisme basé sur le Pacte pour la
transition et sur ce que les Nations Unies ont mis en place avec
leur Programme de développement durable à l’horizon 2030 et des objectifs de
développement durable (ODD). 17 objectifs et 169
cibles.
Un pacte vert qui se décline clairement pour chacun de nos secteurs :
- Hébergement
- Restauration
- Attraits
- Activités
- Transport
- Événements
- Services
Un pacte vert en tourisme reprendrait les énoncés de base suivants :
Afin de privilégier les idées qui auraient le plus grand impact sur la
réduction des GES, l’approche RTA (Réduire-Transférer-Améliorer) est
privilégiée, combinée avec l’analyse du cycle de vie (ACV), un outil qui permet
de caractériser l’impact environnemental de l’ensemble des interventions
environnementales (émissions et ressources consommées) tout au long du cycle de
vie des produits, de l’extraction des matières premières jusqu’à leur fin de
vie (recyclage, enfouissement, incinération).
La réduction de la demande d’énergie passe par une augmentation de
l’efficacité énergétique, mais aussi par des changements structurels dans la
consommation. Au Québec, réduire la consommation d’énergie est d’autant plus
important que nous en sommes de très grands consommateurs. Sans une telle
réduction, chercher à uniquement substituer des énergies renouvelables aux
énergies fossiles serait extrêmement coûteux et aurait d’autres impacts, comme
sur la biodiversité ou les droits de la personne.
Un pacte vert en tourisme (détaillé dans la partie III de cette
trilogie) précisera comment toutes les entreprises touristiques pourraient
participer activement à ce changement fondamental de nos priorités.
3 - VISION GLOBALE DU TERRITOIRE
Repenser le territoire du Québec (urbain, campagne et forestier) avec
les Premières Nations est une nécessité pour la planète et tous les citoyens.
Un vrai projet de société pour le Québec.
Les usages en tourisme de notre territoire sont multiples en parallèle
avec les usages industriels (foresterie & mines) et les usages de résidents
sur les terres publiques et les terres ancestrales. De nombreux ministères et
agences fédérals et québécois chapeautent notre territoire avec des conflits
d’usage récurrents, ce qui nécessiterait une nouvelle politique du
territoire ne donnant plus la priorité aux pratiques nuisant à la
biodiversité, à la répartition de la richesse et au réchauffement climatique.
Il faut commencer par faire ce qu’on avait dit qu’on ferait : protéger
et conserver plus de territoires naturels. Et reconnaître que ce ne sera pas
toutes les terres, tous les territoires qui doivent être rendus accessibles aux
touristes.
«Plusieurs territoires en attente de protection de part et d’autre du
Saint-Laurent permettraient de bonifier significativement l’offre touristique,
et ainsi éviter les situations d’encombrement que l’on peut observer
actuellement, tout en générant de nombreux bénéfices pour les économies
régionales et la santé des Québécois. La concrétisation de ces projets
permettrait également de contribuer à l’atteinte des cibles internationales de
protection du territoire d’ici la fin de l’année.» Un exemple? «Avec ses
montagnes escarpées, ses prairies alpines et ses chutes d’eau époustouflantes,
les monts Chic-Chocs abritent un potentiel inexploité pour les loisirs de plein
air et pourraient constituer une nouvelle étape dans le circuit gaspésien. Ils
sont en attente de protection depuis 2013, tout comme six autres territoires du
Bas-Saint-Laurent, dont le lac de l’Est et la rivière Cascapédia.»
«En ce sens, le gouvernement doit se doter d’une vision forte et
cohérente de planification et d’aménagement du territoire, tout en soutenant
dès maintenant la mise en place de mesures concrètes. Le Québec doit se doter
d’un plan d’action pour l’aménagement de son territoire qui tient compte des
risques naturels associés aux changements climatiques et de la préservation de
la qualité de l’eau, de l’air, des espèces et des espaces naturels. Si 80 % de
la diversité des espèces et 50 % des espèces menacées se localisent dans la
section sud du Québec, cette zone est également la plus peuplée de la province
et bénéficie grandement des services écosystémiques rendus par la nature (p.
ex. qualité de l’air, eau potable, atténuation des inondations, agriculture,
produits forestiers à haute valeur). Or, 90% du sud du Québec est constitué de
tenures privées. Dans la mise en place des solutions naturelles, considérer
cette réalité, mettre à contribution les organismes de la société civile et
indemniser adéquatement les propriétaires constituent des éléments essentiels
de transition.» - SNAP Québec
Imaginez le chantier pour mettre en œuvre une approche globale de mise
en valeur de notre territoire! Réfléchir à la façon de créer des emplois qui
ont du sens pour des jeunes d’ici en leur faisant faire des travaux de
protection de la nature, de conservation des sols, des travaux qui ont un
impact positif et leur permettent d’être avec d’autres jeunes. Dans les années
1930, Franklin Delano Roosevelt a créé les Corps civils de protection de
l’environnement spécifiquement pour les jeunes. Ils ont été envoyés dans des centaines
de camps à travers les États-Unis pour bâtir des parcs naturels, tracer des
sentiers, planter des arbres…
Notre grande nature répond parfaitement aux attentes de futurs voyageurs
d’expérience, si nous parvenons à limiter les pollutions (physiques, visuelles
– paysage & luminosité – sonores) et en assurer la protection.
Dans ce registre, il est pertinent de noter un nouveau festival à Arles,
en France:
Agir pour le Vivant, qui vise à organiser
dans la durée un programme de réflexions et d’expérimentations territoriales
afin de repenser la manière avec laquelle l’ensemble du vivant se côtoie et
notre façon d’habiter le monde aujourd’hui.
4 - ACCESSIBILITÉ
Après l’unicité, l’accessibilité représente le second fondement requis
en tourisme pour toute destination qui souhaite performer. Or, c’est surtout en
régions éloignées, là où se trouvent nos plus grands atouts naturels et les
rencontres avec l’authenticité autochtone, que l’accessibilité est
problématique.
Comment faire circuler des millions de visiteurs et rendre accessible
nos régions éloignées sans augmenter les GES (gaz à effet de serre)? Est-ce
possible? Oui, si on limite le nombre de touristes, si on
maximise les énergies vertes pour se déplacer et si on
compense systématiquement nos effets négatifs pour la planète. Et
contrairement à la France, qui interdira les vols des compagnies aériennes là
où le train circule, au Québec on ne pourra, à court et moyen terme, se priver
de l’aérien pour le nord et l’est faute d’alternatives.
Un corridor par train rapide Québec-Montréal-Gatineau doit
devenir une réalité entre nos trois portes principales d’entrée au lieu de
poursuivre dans le non-sens de nouvelles autoroutes et d’un troisième lien
routier sur le Saint-Laurent, maintenant rendu injustifiable à Québec.
On verra tout de même d’autres pistes de solutions concrètes dans la
partie III de cette trilogie.
5 -ÉQUITÉ/MIEUX-ÊTRE
Il faut repenser la qualité des emplois, de tous les emplois en tourisme
dans le contexte des changements de comportements accélérés (télétravail,
technologies, végétarisme, etc.) que nous vivons. Comme les ressources humaines
redeviendront un enjeu incontournable pour tous, le mieux-être de tous les
postes sera un prérequis.
Équité également pour les différents types de voyageurs. Il faut penser
à ne pas viser que les voyageurs très fortunés, car le voyage doit demeurer
accessible, même si plus cher ou plus rare dans l’avenir.
6 - ACHAT LOCAL
À titre d’entreprises touristiques, nous achetons des centaines de
millions de dollars en biens divers par année.
La mondialisation induite par la standardisation des produits les moins
chers possible et la maximisation des profits a rendu les économies locales extrêmement
vulnérables et dépendantes des forces du marché qui échappent largement à leurs
contrôles. Avec les ressources naturelles que nous avons au Québec et les
milliers de producteurs et d’artisans, il n’y a pas de raisons de ne pas
privilégier l’achat local, qui permet de soutenir notre économie et nos
communautés tout en limitant l’impact sur l’environnement par l’utilisation de
l’électricité pour la production et l’usage de circuits courts dans la
distribution des produits.
7 - MESURES SANITAIRES
Tout comme dans les aéroports après le 11 septembre 2001, des mesures
sanitaires deviendront permanentes dans nos lieux touristiques.
Avec la connaissance du virus COVID-19 et l’anticipation d’autres à
venir, nous devons collectivement dégager des mesures claires, uniformisées,
permanentes et bien communiquées aux visiteurs potentiels pour chacun des
secteurs touristiques.
Et la solution sanitaire ne doit pas devenir que technologique,
effaçant ainsi les contacts humains avec les visiteurs… mais la technologie
doit nous rendre plus efficaces et compétitifs.
5. Nouvelles
clientèles cibles, nouveau marketing
«Quand un vaccin sera trouvé, tout reviendra à la normale, et même
davantage, car les gens réalisent que le voyage leur manque, assure Dimitrios Buhalis,
directeur du Centre international de recherche sur le tourisme et l’hôtellerie
de l’université de Bournemouth (Royaume-Uni). Il va y avoir un besoin de
décompresser et, pour les citadins, de prendre l’air. Les habitants des pays
riches qui voyagent ont déjà tous les produits qu’ils veulent: ce qu’ils
recherchent, désormais, ce sont des expériences – sportives, gastronomiques,
culturelles – dont le prérequis commun est le voyage.»
Permettez-moi de douter de l’optimisme transmis par monsieur Buhalis
dans cette citation. Il y aura de nouveaux comportements chez de nombreux
touristes, même avec un vaccin et les frontières ouvertes. Pourquoi? Parce que
la crise climatique augmentera rapidement et deviendra très visible pour tous.
Et n’oubliez pas que pour qu’un vaccin soit la solution à la crise sanitaire
dans nos sociétés, une simulation par ordinateur évoquée dans le Globe and Mail
estime qu’il faut que le vaccin soit efficace à au moins 80% et que 75% de la
population soit vaccinée. Personnellement (je ne suis pas un homme de
sciences), mon intuition me dit que ce seront les médicaments la solution pour
redonner confiance au voyage international car la COVID-19 est là pour rester,
comme la grippe.
Dans le contexte du transport aérien qui peinera à s’en remettre, autant
avec les nouvelles procédures dans les aéroports que la crise financière de ces
compagnies, dans le contexte des changements de comportements anticipés et
permanents de la part de nombreux voyageurs (voyage plus long, plus rare, plus
lent, plus vert), nous devons anticiper dès maintenant une nouvelle approche
des marchés touristiques et un langage marketing transformé.
Notre principal objectif marketing devrait être de viser moins de
touristes, mais plus de revenus par touriste, car les
prix vont grimper (un tel objectif ne serait d’ailleurs pas synonyme de
décroissance, dès lors que l’effet prix ferait plus que compenser l’effet
volume, et que la diminution significative des émissions de GES entraînera des
économies de long terme, notamment en matière de frais de santé, de traitement
des eaux et des déchets…).
En 2021, contrairement à 2019 et tout comme pour 2020, les Québécois
seront notre marché principal alors qu’en 2019, les touristes québécois ne
choisissaient qu’à 34% seulement de rester voyager au Québec. Il faut espérer
(et agir politiquement en ce sens) que l’Ontario et les provinces maritimes
viendront nous visiter. La clientèle internationale va commencer à revenir,
mais pas en force. La grande incertitude est notre marché externe principal,
soit les États-Unis. Le résultat des élections du 3 novembre prochain sera significatif
sur l’année de retour des Américains au Québec: 2021 ou 2022, c’est selon les
résultats…
Pour réussir 2021 avec nos marchés de proximité, il faut ajuster nos
façons de faire et ne pas répéter nos erreurs de l’été qui vient de passer.
Pour plusieurs qui ont tenté de convaincre les Québécois de voyager et
d’acheter les forfaits (Alliance et agences réceptives), il s’agissait d’une
première. Le comportement des touristes québécois au Québec n’est pas celui des
visiteurs internationaux.
Par exemple, je lisais en fin de semaine dernière les résultats du programme
incitatif Explore Québec: environ 94% d’une somme de 10 millions$ consacrée à
ce volet sont encore disponibles, et qu’en date du 3 septembre, un montant de
seulement 560 000$ avait été remis en rabais. Je ne suis pas surpris. J’avais écrit ceci, le 12 juin dernier: Explore Québec va fonctionner «…
s'il y a vraiment un rabais de 25%; si les forfaits correspondent aux intérêts
des Québécois». Par expérience, c’est ce qui s’est passé: les forfaits offerts
cet été n’étaient pas conçus pour répondre aux besoins des Québécois et la
publicité fut déficiente. La meilleure pub que j’ai vue pour
promouvoir le Québec, c’est celle de Subaru Canada! C’est tout dire.
Et à notre ministre du Tourisme, qui affirme dans cet article que «La
forfaitisation, on aime ça pour aller dans le Sud, mais c’est d’apprendre aux
Québécois à acheter des forfaits pour ici chez nous, au Québec», j’aimerais
gentiment rappeler que déjà en 2003, plus d’un vacancier québécois sur cinq
(22%) privilégiait l’achat de forfaits touristiques pour ses vacances au
Québec. (Sondage Léger Marketing, 2003 / Écho Sondage 2004). La réalité, c’est
que les Québécois adorent les forfaits, si ce sont les bons.
Pour 2022, sur les marchés extérieurs (et même intra-Québec), il faut
développer une nouvelle approche «nature» qui se traduit dans
la réalité par des séjours touristiques de qualité. Évidemment, la nature
vierge est un mythe en 2020… n’empêche que les vastes forêts et plans d’eau du
Québec représentent des lieux d’émerveillement et de ressources énormes.
Il y a aussi la distribution des produits touristiques, comme avec la
nouvelle plateforme Milo (M ta région). Même si elle peut être très efficace et
c’est Québécois, la question de fonds demeure, tout comme je le mentionnais
pour les OTA (Expedia, Hotel.com, etc.): le coût de transaction pour les PME
touristiques est-il trop élevé?
En hébergement touristique, déjà en avril dernier, je suggérais
fortement la création d’une plateforme transactionnelle québécoise afin de
couper dans les commissions versées aux OTA, mais jusqu’ici, peu
s’est fait de concluant…
Enfin, il faut donner un rôle accru aux agences de voyages
québécoises, autant auprès des clientèles que du
développement québécois d’offres exotiques. Ces agences sont les
mieux placées pour garantir sécurité et répondre à la complexité de la
forfaitisation en régions éloignées. Je pense ici à Terra Ultima Voyage ou
à Karavaniers, «Ils vont s’apercevoir que c’est infiniment
exotique le Québec. Des fois, je me suis senti au bout du monde dans des
villages de la Basse-Côte-Nord, autant qu’au fin fond du Népal.» - Richard
Rémy, fondateur de l’entreprise Karavaniers.
Bien dit Richard !
6. La
technologie
La COVID-19 nous force vers la technologie des processus: processus
informatisés avant, pendant et après le séjour. Et processus rattachés aux
mesures sanitaires.
Par ailleurs, les PME ne peuvent, avec l’augmentation des ventes
en ligne, prétendre offrir leurs produits avec des contenus déficients et
des outils Web d’une autre époque. C’était urgent il y a 10 ans, c’est
maintenant rendu critique, alors que l’on perd des parts de marché juste par la
déficience de trop nombreux sites Web d’entreprises…
Évidemment, les nouvelles technologies vertes à adopter pour une
majorité d’entreprises en nouveau tourisme sont dans un monde à part…
Pour terminer cette seconde partie, je vous invite à regarder cette
percutante vidéo française: «Vision 2030 : un avenir désirable»
Rêver mieux. C’est ce que je nous souhaite.
Jean-Michel Perron
Conseiller en tourisme (PARConseils.ca) et blogueur (Tourte Voyageuse)
À venir :
23 septembre PARTIE III - Nouveau tourisme: Agir ensemble
maintenant. Un plan d’action concret.
À lire ou à relire : UN NOUVEAU TOURISME - PARTIE I : Constats & accélérants, par
Jean-Michel Perron
[1] L’écoconditionnalité consiste
à rendre l’aide financière gouvernementale conditionnelle au respect
d’exigences environnementales. L’écoresponsabilité vise à
promouvoir des pratiques favorables à la protection de l’environnement tandis
que l’écofiscalité désigne des mesures économiques visant à
limiter l’impact sur l’environnement, comme l’application du principe de pollueur-payeur. Ces
principes doivent s’inscrire dans le nouveau tourisme au Québec.
[2] À ce propos,
l’annonce du fabricant britannique de cesser la production de voitures à
essence en 2030 est révélateur. lapresse.ca/auto/guide-auto/2020-08-25/mclaren-cessera-de-developper-des-moteurs-a-essence-d-ici-2030.php
Commentaires
Publier un commentaire