Passer au contenu principal

Cessons de se berner sur l’avenir du tourisme – Résumé de la conférence de Travel Foundation à ITB Berlin 2024

 

Jeremy Sampson, de Travel Foundation, n’y est pas allé par quatre chemins pour encore une fois dénoncer l’illusion d’une majorité d’organismes et de destinations en tourisme, pour lesquels la croissance actuelle (tripler l’aérien d’ici 2050) peut se conjuguer avec une contribution positive à la décarbonation. Sur le modèle actuel du « Business As Usual », le tourisme qui doublera en volumes, va avoir augmenté ses émissions de GES de 73% entre 2019 et 2050. Ce n’est pas en parlant de baisse d’intensité des GES en tourisme au lieu de quantités absolues de tonnes de GES émises qu’on va y parvenir. Il a cité la conférence la veille, de Julia Simpson présidente de WTTC – la Chambre de commerce du tourisme – qui se réjouissait que le tourisme allemand avait progressé entre 2010 et 2019 de 1,5% en croissance économique par année et « seulement » de 1,1% en GES par année…

M. Sampson fut par ailleurs lucide en refusant de souscrire à un scénario de type « réglementaire » pour se décarboner, comme durant la COVID, limitant par force de loi, les voyages. La croissance du tourisme est inévitable, mais pas la hausse des GES. La solution est de croître dans les secteurs du tourisme qui sont décarbonables et de diminuer la croissance des secteurs qui ne le sont pas, surtout l’aérien.

Dans le graphique suivant, Travel Foundation montre le kérosène nécessaire par année (2050) en milliards de gallons. En orange, ce qu’on peut utiliser si on veut respecter l’accord de Paris (hausse des températures à 1,5C en 2100) et en vert ce qu’on pourrait produire avec des investissements majeurs, en kérosène synthétique. Comme vous le voyez, avec les voyages en avion qui vont au minimum doubler, sinon tripler en 2050; malgré les gains d’efficacité et les nouvelles énergies, on n’y arrivera pas. (note, BAU = Business As Usual).

Mentionnant que faire de la compensation (ex.: planter des arbres) pour se déclarer carbone neutre, c’est de l’écoblanchiment; Travel Foundation propose 1 seul scénario possible pour garantir un tourisme viable en 2050. Il faut d’abord s’appuyer sur ces cinq (5) prémisses:

1. La comptabilisation des émissions mondiales de GES doit être nationalisée par pays et par entreprise avec des objectifs précis de réduction; (note JMP : actuellement ni personne, ni aucun pays n’est responsable des GES de l’aérien ou des croisières. Et notons l’absence de réduction de GES dans le nouveau plan d’action de Tourisme Québec 2023-2028 ce qui devrait être pourtant, en durabilité, LA PRIORITÉ DU TOURISME AU QUÉBEC. Notre ministère se refuse, depuis plusieurs années, de mesurer l’empreinte carbone de notre destination, contrairement à de nombreux autres pays. Ce faisant, ce n’est pas contraignant, nous sommes certains de ne pas savoir si notre tourisme évolue positivement vers le net zéro).

2. Les expériences et les itinéraires touristiques « net zéro » deviennent la norme (l’exemple de l’Écosse à cet effet est probant et montrer le poids carbone de chaque service et expérience en tourisme est essentiel à cet effet).

3. Des collaborations sans précédent permettent d’agir sur le terrain à grande échelle. (sortir du silo touristique et travailler avec d’autres secteurs et d’autres collaborateurs : surveillez la sortie prochaine en 2024 de l’outil de Travel Foundation avec Expedia pour comprendre votre écosystème).

4. Supporter les destinations touristiques les plus vulnérables comme celles dépendantes des touristes long-courriers et ayant peu de ressources pour se transformer durablement.

5. La réduction des émissions absolues fait partie intégrante de chaque organisation. Cessons de se raconter des histoires comme le fait WTTC en justifiant le « BAU » de la croissance en tourisme par une baisse relative des GES et autres impacts environnementaux comme l’usage de l’eau en tourisme. Globalement, en nombre de tonnes, les GES augmentent actuellement. Point!

Ce scénario anticipe les cinq (5) situations suivantes :

  1. Les investissements énormes en transition durable ne sont pas seulement une dépense : ils génèrent un retour sur investissement.
  2. Les voyages et le tourisme prospèrent lorsqu'ils se développent sans polluer.
  3. On découvre des aventures plus près de chez soi, et on prend l’avion moins souvent.
  4. Nous consacrons plus de temps et d’argent à explorer en profondeur les destinations que nous visitons.
  5. Le voyage multimodal, multiarrêts est facile, amusant et même luxueux...!

Pour accéder à cette Vision 2030/2050 d’un tourisme réellement durable, cliquez ICI.

CONCLUSION

Plus nous retarderons l’adoption de ce scénario d’un nouveau tourisme, plus le choc et l’arrêt du tourisme comme nous le connaissons aujourd’hui seront brutaux et encore plus réglementés. Cessons de se bercer d’illusions que la technologie et le numérique sauront tôt ou tard régler tous les enjeux reliés aux GES, à la pollution et à la perte de la biodiversité produits par le tourisme. Avant de se noyer dans les multitudes d’actions actuelles en transition durable, peut-on se doter d’une vision commune avec de réels objectifs de décarbonation? Le temps file et les millions $$ en transition durable du tourisme au Québec continuent de se dépenser par silos….Tic, tac, tic, tac.

  

Jean-Michel Perron

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

12 inspirations en tourisme durable au Québec

  Il y a deux semaines je vous parlais de destinations internationales inspirantes en durabilité , en nouveau tourisme. Aujourd’hui, regardons ce qui se fait ici au Québec. Je n’ai pas la prétention d’avoir fait l’inventaire exhaustif de ces individus et de ces entreprises touristiques fermement engagées dans une transition durable, mais ces 12 organisations/personnes sont définitivement inspirantes. Pour retrouver nos principaux leaders engagés en durabilité, les membres de la nouvelle organisation Tourisme durable Québec — près de 200 — en constituent la base.   1.     Monastère des Augustines : la poursuite d’une mission historique   !   Dans le Vieux-Québec, un des grands leaders de la transition durable au Québec. Les dernières Augustines encore vivantes à Québec ont de quoi être fières. Premier hôpital en Amérique du Nord — l’hôtel Dieu — (1639), cet hôtel concept poursuit la mission vers une santé globale. Les actions en durabilité sont exhaustives et se déclinent dans l

Les pavillons Oasis du Spa Eastman : un modèle québécois de construction écologique reproductible – plus simple et plus accessible que ce que vous croyez!

       (Photo: Marjolaine Grenier, SPA Eastman) «  Il y a 10 ans, il aurait été très complexe de construire un pavillon comme ça ! », mentionne d’entrée de jeu Benoit Lavigueur, expert en bâtiments écologiques et entrepreneur général des Oasis, en collaboration avec Solution ERA. Grâce aux avancées technologiques et à l’expertise accumulée,  le projet touristique  en R&D de trois grands pavillons écologiques comprenant 24 nouvelles chambres a pu voir le jour avec un investissement de 10 M$, en collaboration avec  Solution ERA  et  Les Éco-Bâtisseurs . Et pour la première fois, le Spa Eastman est nommé aux World Spa Awards 2024 dans la catégorie du Meilleur Spa Écologique au Monde. De plus, il est à nouveau en lice pour le titre de la Meilleure Retraite Mieux-Être au Canada, un prix qu'il a remporté deux années consécutives, en 2021 et 2022. Jocelyna Dubuc ,  récipiendaire du prix  Grande Bâtisseuse 2022 , est l’âme derrière cette réalisation technique d’exception qui s’inscrit

6 photos en 2 minutes #35 L’IA trompeuse...

  2 inspirations - Bravo !   L’IA EN MARKETING TOURISTIQUE COMMENCE PAR LE RESPECT “A woman riding a horse in Grand Teton National Park with the mountains in the background.” - https://designsensory.com/author/hfoster/ L’IA, on s’entend, révolutionne pour le meilleur et pour le pire le tourisme.   Pour moi le pire c’est la consommation électrique de l'ensemble des serveurs dans le monde   qui va doubler d’ici 3 ans, et l'IA représentera quasiment la moitié; ce qui aura un impact majeur sur les émissions carbone. Autre élément, c’est la tromperie pour des destinations ou PMEs touristiques qui ne mentionnent pas au bas de leurs photos ou vidéos promotionnelles «  Photo générée en partie par l’IA  ». Évitons la désinformation touristique, ne gonflons pas   les attentes des visiteurs qui risquent d’être déçus à destination et surtout RESPECT, par un marketing responsable.   BRAVO !     LES TOILETTES SONT LA BASE DE L’ACCUEIL TOURISTIQUE Écotoilette de la cie française Kazu