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Tourisme durable québécois: sommes-nous performants dans notre transition ?

 

  Phare du Pot à l'Eau-de-Vie. Source : Société Duvetnor

Notre obsession d’être dans l’action, stimulée par les millions de dollars actuels provenant de fonds publics, ne doit pas occulter la nécessité d’une approche par résultats.

Le port de Montréal affirme dans un communiqué  publié la semaine dernière que pour ses croisières internationales,  Montréal est une destination responsable, car les navires peuvent se vidanger à  quai et se brancher électrique au lieu de polluer avec leur mazout lourd. Nous sommes ici dans l’action concrète en durabilité avec la mise en place d’équipements précis, à propos et mesurables dans leur déploiement. Dans une approche par résultat par contre, lorsqu’on sait que sur 45 navires à quai durant la saison 2022, 1 seul  navire et  pour 1 seule nuit s’est réellement branché électrique, nous sommes alors dans les résultats concrets et utiliser ainsi le terme responsable est pertinent pour l’administration du Port qui fait ses devoirs, mais celui de durable ne peut alors s’appliquer si on s’évalue selon des critères objectifs de durabilité au niveau de ses impacts environnementaux.

Les gouvernements et les AT (Associations touristiques) plongent dans l’action vers un tourisme durable.  Tant mieux.  Mais il importe de se questionner sur le pourquoi et le comment :  fait-on ce qui doit réellement être priorisé ?  Nous pouvons clairement être plus performants, tant faut-il que la notion de performance soit notre finalité d’entreprises et de société. Le10 mai dernier dans ces pages, j’indiquais que nous avions oublié deux étapes essentielles dans notre approche durable: faire un diagnostic  de la durabilité de notre tourisme afin de pouvoir mesurer l’avancement de  notre transition et se fixer des objectifs précis et des résultats attendus avec des indicateurs de performance pertinents. Ces étapes vont nous permettre de déterminer quels moyens, quelles actions  doivent être priorisés. Selon, l’OMT[1] , les indicateurs doivent recenser les informations idéales et importantes à saisir, ainsi que les enjeux et les réalités de ce qui peut être obtenu et à quel prix.

 Boucle courte de Gilbert. Source :https://creg.ac-versailles.fr/des-concepts-aux-outils

Or, nous sommes en novembre et rien ne semble avoir bougé, les actions et les appels de projets se multipliant sans ces infos stratégiques, sans pouvoir mesurer notre performance.  Certes, il  y a le Plan d’action du MTO avec ses 5 cinqaxes d’intervention, mais à voir plusieurs initiatives actuelles qui ne sont ni pertinentes, ni efficientes[2] ou prioritaires, nous sommes tous en droit de suggérer de faire un pas en arrière et de se fixer des objectifs collectifs clairs et de mesurer les résultats avec des indicateurs de performance tenant compte des autres dimensions de la durabilité que sont celles du social et de l’environnement.   Sinon, nous sommes alors dans l’écoblanchiment collectif…On dit cheminer vers un tourisme durable et responsable, mais nous sommes toujours avec les mêmes indicateurs, uniquement économiques (KPI : le RevPar, le taux d’occupation, le nombre et les recettes des visiteurs). Chercher l’erreur.

Il faut s’assurer également que toutes les recherches actuelles et les outils en développement financés par des fonds publics répondent aux objectifs prioritaires à établir  et puissent se marier aux indicateurs de performances à venir. Que ces recherches et ses outils puissent être par la suite partagés gratuitement partout dans notre industrie afin d’accélérer la transition durable et que tous les bailleurs de fonds se concertent afin de ne pas investir dans les mêmes actions !

Voici deux autres exemples concrets de ce que j’avance, basés sur les deux premiers axes proposés par le MTO dans son plan d’action :

1.    Soutenir la transition vers une économie circulaire

Le 8 novembre dernier, on accordait 1,8M$ à  l’AHQ[3] pour la mise en place de vitrines d’économie circulaire destinées au secteur de l’hébergement touristique visant l’approvisionnement responsable, les initiatives de réduction de matières résiduelles et à la diffusion de projets d’intervention exemplaires. Ayant été formé à l’Université Cambridge en économie circulaire l’an passé et ayant échangé depuis avec les instances québécoises de l’économie circulaire et tenté d’appliquer cette approche au tourisme québécois, cette action est non- pertinente à ce stade-ci, car les PMEs touristiques peuvent surtout s’inscrire dans l’économie circulaire en faisant affaire avec des fournisseurs qui sont eux-mêmes dans la circularité. Or, seulement 3,5% des entreprises au Québec sont « circulaires ». Bref, cette nouvelle étude recommandera aux entreprises hôtelières de faire affaire avec des fournisseurs durables  qui ne seront encore longtemps qu’une minorité au Québec….Est-ce ainsi prioritaire comme action ? Et on n’a pas besoin de connaître les initiatives de réduction des matières résiduelles et les meilleures pratiques. On les connaît déjà !!! Le problème pour ces deux volets du 1,8M$, c’est qu’on travaille en silo et les renseignements déjà disponibles ne sont pas  mis en commun dans un observatoire/veille du tourisme durable au Québec tel que je le recommande depuis longtemps…donc, toujours dans le graphique de la performance présenté auparavant, cette action est non seulement non pertinente à court terme, mais ne pourra être efficiente.

2.    Favoriser les moyens de transport durable

Sachant que plus de 75% de nos impacts en tourisme sur le climat sont générés par le volet «  transport »; sachant que nous avons peu de contrôle sur le transport aérien international (sauf de cibler des clientèles de proximité), il nous reste une possibilité d’intervention  réelle sur le volet  transport de nos visiteurs au Québec,  le transport de nos fournisseurs de produits & services et enfin de nos employés en tourisme.   Or, tout en investissant dans des actions précises comme des circuits écoresponsables ou des navettes électriques, il nous faut au départ connaître la réalité actuelle du transport en tourisme (diagnostic), ensuite dégager une orientation claire sur comment être réellement durable avec une stratégie régionale devant être faite AVEC LES RÉGIONS/MRC (transport en commun urbain et régional intégré incluant  le défi du «  dernier  kilomètre », mobilité douce à  destination, transport TGV entre Québec-Montréal, transport par train en Abitibi, Gaspésie et Sag-Lac; transport par autocars à hydrogène….). Avoir des moyens de transports plus durables est une chose essentielle. Mais développer une stratégie des transports touristiques  répartie sur tout le territoire favorisant le transport en commun  et la mobilité douce à destination, est autre chose. Bref, pour être performant ici, débutons par se donner une vision claire avec les parties prenantes dont les régions font partie. Long processus à engager dès maintenant.

Bref, nous avons l’argent, nous avons les compétences. Soyons efficients alors pour devenir performants afin d’être des leaders mondiaux en tourisme durable, ce que nous pouvons réussir si nous brisons les silos et refusons le chemin facile de l’écoblanchiment.

 

Jean-Michel Perron



[1] Organisation mondiale du tourisme, 2004. Indicators of Sustainable Development for Tourism Destinations. A Guidebook. 8-10.

[2] L’efficacité est d’arriver à destination, et l’efficience est de trouver le meilleur chemin pour y arriver.

Commentaires

  1. Bien résumé.
    Nous nageons dans la planification théorique qui , elle-même est incomplète et non cohérente. Si l’on choisi les transports comme priorité #1, alors nous devrions prendre en compte non pas uniquement l’ensemble du territoire mais également et surtout ces points d’arrivées comme finalité claire a surveiller et soutenir. C’est à se demander si la compétence existe derrière ces faiseuses et faiseurs de graphiques et plans .
    Et pendant que nous nolisons des avions pour nous vendre à l’international, nos becosses pour pipi sont fermés en hiver.
    Ce doit être excellent pour l’environnement…je suppose.

    RépondreEffacer

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