Certains rêvent pour échapper à la réalité, d’autres rêvent de changer la réalité - Soichiro Honda
Juste une simple « parenthèse » le virus COVID,
pense-t-on ? Jamais de la vie ! Les réflexions provoquées par cet arrêt forcé
nous font prendre conscience que la vie est fragile et précieuse. Que notre
qualité de vie ne peut se baser uniquement sur la croissance et les profits.
Que le modèle économique actuel d’une mondialisation sans limites n’aura
bientôt plus assez de notre planète pour la soutenir. Que nous détruisons la
Nature et que la sixième extinction de masse est enclenchée aux dires des
spécialistes, la première provoquée par l’Humain. Point à la ligne. Et le secteur touristique ?
Nous avons notre part de responsabilité afin d’initier ou à tout le moins
soutenir le changement. En commençant par s’inspirer par ce qui se passe dans cet
archipel du Pacifique…
Hawaï, ce 50e état américain[1] :
·
Premier état américain au printemps 2020 à
demander aux touristes de ne pas venir les visiter et à exiger une quarantaine
à l’arrivée ;
·
Un des taux de chômage actuellement le plus
élevé des États-Unis : 10 % malgré la levée de la quarantaine
obligatoire remplacée par un test COVID requis avant le départ des touristes
qui n’a pas permis pour autant un retour à la normale du tourisme, principale
industrie ;
·
L’impact économique du tourisme en 2019 était le
même qu’en 1989, mais avec plusieurs millions de visiteurs supplémentaires ;
·
Nouveau plan stratégique 2020-2025 en
tourisme s’appuyant sur 4 « forces », mais surtout basé sur l’écoute et le
respect de leurs citoyens :
1.
La Nature et les lieux culturels pour le
bénéfice premier de nos citoyens
2.
La culture autochtone Hawaienne
3.
Nos citoyens bénéficient réellement du tourisme
4.
Une mise en marché qui traduit cette approche « terrain »
·
La première mesure de performance de l’industrie
touristique n’est plus la croissance des recettes et du nombre de visiteurs,
MAIS la satisfaction des citoyens ! L’Hawaii Tourism
Authority (HTA) poursuit encore aujourd’hui ses consultations et ses
sondages auprès des citoyens et des entreprises touristiques sur chacune des
principales îles — Kauai, Maui Nui, Hawaï et Oahu. Un élément sur lequel tout
le monde est d’accord, qu’ils soient protourisme ou non : la nécessité
pour chacune des communautés d’assumer la responsabilité de la restauration et
de la préservation de la nature et de la culture de l’archipel pour les
générations à venir. C’est ce sur quoi la nouvelle campagne touristique d’Hawaï
s’appuie : le concept ancestral autochtone de « Malama » qui
signifie « nourrir » et s’aligne ainsi sur le principe du tourisme
régénérateur.
·
68 hôtels et entreprises touristiques font jusqu’à
présent partie de la campagne Malama Hawaii, ainsi que de nombreuses
organisations bénévoles et Alaska Airlines. Il s’agit essentiellement d’une
offre pour les visiteurs et les résidents de « faire un voyage qui redonne à
Hawaï » et de « voyager plus intensément et plus lentement » en s’inscrivant à
une activité d’apprentissage sur l’écotourisme et le bénévolat, tout en
bénéficiant d’avantages pour le faire.
·
La technologie sera requise pour assurer un
meilleur contrôle des visiteurs afin d’éviter le surtourisme dans certains
lieux. Un excellent article hawaïen à ce sujet fut publié au printemps 2020.
·
Si Hawaï souhaite ne pas relancer son tourisme
avec autant de visiteurs, les visiteurs qui laissent un maximum de dollars
devraient alors être ciblés. « Vous devez vous recentrer sur le mélange des
types de visiteurs… qui sont les visiteurs les plus dépensiers, qui sont les
visiteurs qui ont le plus d’impact économique et le moins d’impacts négatifs
sur le lieu ? », a déclaré à Skift Frank Haas, président de Marketing
Management, une société de conseil en marketing spécialisée dans les voyages et
l’hospitalité et doyen de l’hôtellerie au Kapi’olani Community College.
J’entends déjà
certains dire que le Québec ne peut se comparer avec Hawaï. Pas la même réalité. Oui l’enjeu du
surtourisme y est plus présent (voir mon calcul de ratio), oui au Québec on a
plus d’espace, mais en même temps, nos visiteurs de
l’extérieur viennent nous visiter surtout durant 6 mois tandis qu’à Hawaï
c’est réparti sur l’année entière….
·
Ratio population/touristes de l’extérieur
o Québec :
8,8 M[2]
touristes versus 8,3 M résidents = 1,06
o Hawaï :
10,4 M touristes versus 1,4 M résidents=
7,43
·
Dimension du territoire
o
Québec : 556 000 km carrés[3]
(le 1/3 du Québec qui reçoit un minimum de touristes)
o
Hawaï : 28 311 km carrés
·
Saisonnalité : Hawaï est une destination
qui opère 12 mois par année tandis que les touristes provenant du
hors Québec séjournent ici en grande majorité entre mai et octobre, répartis sur
6 mois.
Pour moi cette réalité hawaïenne, leurs actuelles réflexions
et nouvelles stratégies durables, est la même que ce qu’a vécu la Gaspésie
l’été passé ou ce que subissent les résidents du Vieux-Québec depuis des
décennies. L’inspiration à aller chercher dans les eaux bleues et plastiques du
Pacifique doit venir du fait que le tourisme durable s’encre au départ dans le
milieu, au bénéfice des citoyens et des régions et qu’il faut changer nos
mesures de performance. Toujours plus de visiteurs, plus de recettes
touristiques, plus de gros aéroports….ce n’est pas ce qui va nous rendre plus
heureux et surtout pas plus respectueux de l’environnement. Entre nous, la
croissance en volumes est probablement
inévitable mais elle doit devenir à tout le moins responsable et réellement
carbone neutre.
Nous aurons ensemble dans les prochains mois et dans les
années à venir, à définir la ligne de « capacité de support » de
nos milieux naturels, urbains et campagnards. Atteindre cet équilibre des
écosystèmes doit faire partie de nos stratégies touristiques québécoises.
La valeur hawaïenne du « kuleana »
(responsabilité) doit nous guider à l’avenir. Responsabilité individuelle et
responsabilité en tant qu’acteur du tourisme.
Jean-Michel Perron
[1]
Pour l’Histoire : il devint un état en 1959 sans l’accord du peuple hawaïen.
Avec l’Apology Resolution du 23 novembre 1993, le Congrès américain
souligne ainsi ce point en reconnaissant que le peuple hawaïen n’avait jamais
renoncé à sa souveraineté au profit des États-Unis. En droit international, le
statut d’Hawaï est donc non légal, ni valide. Lors de la candidature de Barak
Obama, lui qui est né à Hawaï, c’est sur ce fait qu’on l’accusa de ne pas être
né aux États-Unis, donc qu’il ne pouvait prétendre devenir président !
[2]
Touristes en provenance du hors-Québec incluant le ROC. Source : Tourisme
Québec, 2017.
[3]
Tout le nord du Québec possède un potentiel immense en développement
touristique, mais la réalité en volume de touristes d’agrément est infime faute
d’accessibilité, de capacité d’accueil et de développement de l’offre
touristique.
Commentaires
Publier un commentaire