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Voyager au Québec: être riche ou patient !




Il faut être patient ou riche pour voyager au Québec sans automobile.

Dans son analyse comparative  du coût du billet d’avion, l’Union des municipalités du Québec nous apprenait jeudi dernier que le tarif pour le service de transport aérien régional est 55 % plus élevé au Québec qu’ailleurs au Canada. Pour les auteurs du rapport, la solution repose dans le fait de stimuler la concurrence, de réduire le niveau de taxation et de réduire la pression financière qui pèse sur les gestionnaires d’installations aéroportuaires. Ce constat navrant s’inscrit en plus dans le contexte du cancre canadien: en 2015, une étude sur les coûts du transport aérien dans le monde plaçait le Canada 130e sur 138 pays. Une autre étude menée par Kiwi.com évalue le coût moyen des vols domestiques à 39$/km comparativement à 10$/km pour les États-Unis (source  ici).

En cette fin du mois de mai, la dernière nouvelle de notre principal transporteur interurbain par autocar au Québec, Orléans Express, traite de la tempête du 15 mars dernier… alors qu’on trouve difficilement les prix sur leur site, encore moins un «tourist pass»  intégrant l’ensemble des transporteurs par autocar du Québec... Ce détail est symptomatique de l’intérêt envers le tourisme dans le transport intra-Québec en général et ce qui explique en partie la difficulté de faire venir des touristes en régions éloignées de Montréal ou de Québec. Comme les banques en financement d’entreprises touristiques, les transporteurs par route ou par air au Québec ont peu de considération pour le tourisme d’agrément. 

Le gouvernement du Québec organise un sommet en février 2018 sur l’enjeu du transport aérien régional et 11 rencontres de consultation en régions déjà débutées. De multiples acteurs réalisent enfin que le développement régional ne peut se faire sans rendre les régions accessibles, dont pour le tourisme.

Je radote depuis l’autre siècle que pour réussir en tourisme il faut deux qualités fondamentales: l’unicité  et l’accessibilité. L’accessibilité se décline par le prix du transport, sa fréquence,  le nombre de sièges disponibles et… l’intermodalité.   Face à cette démarche collective, mon inquiétude repose sur ce dernier point. Je peux comprendre que pour un mineur se rendant à Fermont,  pouvoir accéder facilement, à part l’avion, à des traversiers, des trains ou des autocars interurbains ce n’est pas pertinent mais pour les touristes oui, à moins de voir le tourisme en région circulant que par automobile privée comme c’est le cas actuellement. Il faudrait que ce sommet de Lévis tienne compte absolument d’une approche intégrée de l’accessibilité si on veut se démarquer en facilitant au maximum les séjours des touristes. 

Voyager au Québec en 2017, c’est comme arriver dans une contrée inaccessible. Payer 1227$ (le moins cher) et 22 heures de vols/transferts pour se rendre de Montréal à Blanc-Sablon ou à 1062$ pour Chisasibi, ce n’est pas être accessible. Prendre le train de Montréal à Ste-Foy et n’avoir d’autre choix que le taxi rendu à destination, ce n’est pas être accessible à moins de marcher 1 km avec sa valise jusqu’au chemin St-Louis… 

Les raisons des coûts élevés en transport aérien au Canada sont connues et font consensus:

  • ·         Il y a moins de compétition au Canada
  • ·         Les taxes & frais sont excessifs
  • ·         Territoire est vaste et peu populeux
  • ·         Pas de transporteur à bas prix

Il est clair que l’utilisation de vols nolisés en haute saison estivale et hivernale (et avec les touristes internationaux, on allonge cette saison car les Québécois ne voyagent en régions éloignées que de la mi-juillet à mi-août!!!) combinant les travailleurs-résidents représente une alternative réelle pour une destination éloignée à fort potentiel touristique tel que Eeyou Istchee/Baie-James, le Nunavik, la Minganie/Basse-Côte-Nord et la Gaspésie. Mais il ne s’agit que d’une partie de la solution. Les gouvernements doivent considérer des diminutions de taxes et de frais pour les destinations régionales. Plus une région deviendra accessible, plus des touristes, adeptes de courts séjours, y viendront, générant ainsi des revenus supplémentaires pour les régions et les gouvernements. C’est ce qu’une étude économique vient de démontrer avec le nouveau train Paris-Bordeaux, beaucoup plus rapide que l’ancien TGV…

Il faut aussi s’inspirer des meilleures pratiques commerciales de destinations comparables qui s’organisent mieux que nous avec une population aussi faible que la nôtre et avec de grandes distances à parcourir: Scandinavie, Australie, Nouvelle-Zélande. Voyez quelques exemples qui nous font paraître à l’âge de pierre…

1.   Les forfaits par autocar (en Australie. Wow: des promos par 1000 km parcourus et en plus échangeables auprès d’attraits ou des hôtels.  Les voyageurs veulent de la flexiblité.

2.   Les forfaits de Quantas en Australie et Nouvelle-Zélande divisés en 3 zones avec un  coût fixe par segment.

3.  Les passes en train dans tous les pays scandinaves, par exemple 8 jours de transport pour 551$ CAD.

Comme je l’écrivais en 2014 à la ministre du Tourisme dans TourismExpress: « ... il faut pouvoir offrir aux clientèles arrivant par avion à Montréal ou Québec, des formules flexibles et à grande valeur pour circuler à l’intra-Québec en avion et/ou par train, et/ou par autocar, et/ou par traversier en développant une formule  simple et efficace de transport intermodal en 2, 3 ou 4 semaines avec compagnies aériennes, autocars régionaux, traversiers et trains ».

 

Jean-Michel Perron dans TourismExpress.


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