Airbnb, à Montréal, contribue à la crise du logement. Il faut l’interdire pour la location à court terme! – Entrevue avec Adam Mongrain de Vivre en Ville
Il est le « directeur habitation » de Vivre en Ville, cet organisme qui participe activement, partout au Québec, au développement de collectivités viables, œuvrant tant à l'échelle du bâtiment qu'à celles de la rue, du quartier et de l'agglomération. L’organisme stimule l'innovation et accompagne les décideurs, les professionnels et les citoyens dans le développement de milieux de vie de qualité, prospères et favorables au bien-être de chacun, dans la recherche de l'intérêt collectif et le respect de la capacité des écosystèmes.
Bonjour Adam. Qu’est-ce que Vivre en Ville, dans vos mots?
Nous sommes un plaidoyer pour la création de milieux de vie prospères et dignes sans hypothéquer les ressources. Il faut apprendre à vivre efficacement et à avoir des considérations comme « Combien ça coûte habiter ces endroits-là? » et « L’efficacité énergétique et la qualité du bâti. »
On cite Vienne en exemple pour du logement abordable et disponible dans une grande ville…
Oui, effectivement, 50% des logements de la capitale autrichienne sont possédés et gérés par un OBNL municipal et à faible coût, mais il faut par contre souligner qu’ils n’ont pas une forte croissance démographique et les autres 50% paient le double… À Montréal, personne ne doit être laissé à part.
Adam Mongrain
L’hébergement touristique à Montréal, dans les dernières années, comme partout ailleurs sur la planète, s’est étendu également en dehors des hôtels classiques, avec l’hébergement qu’on nommait « collaboratif » (Airbnb, Vrbo…). Est-ce que ce type d’hébergement a un impact réel sur la disponibilité des logements/maisons à Montréal? Ailleurs au Québec?
Oui, clairement, un impact majeur. Il est démontré que les Airbnb font augmenter les prix et la valeur des propriétés, comme soutenu par une équipe de chercheurs de l'Institut économique de Barcelone. Il y a une pression d’optimiser les revenus par la location à court terme, ce qui rend indisponibles de nombreux logis pour les citoyens de Montréal et d’ailleurs au Québec.
Il semble, malgré la nouvelle loi rendant obligatoire l’enregistrement de ce type d’hébergement à la Airbnb au Québec, que la majorité des offres demeurent illégales (55,4% selon le site InsideAirbnb). Surpris de ce résultat?
Non, pas du tout. Cet outil indépendant est bien fait. Le constat est causé par la faiblesse des pénalités, des amendes qui ne sont pas suffisantes, sans compter que la surveillance est faible et les preuves sont difficiles à documenter, car l’application de la loi est rétroactive et le risque vaut le coup pour de nombreux propriétaires délinquants. Il y a plein de failles qui nuisent à l’application du règlement, sauf pour ceux et celles qui ne louent qu’une ou deux unités seulement… C’est un beau risque. Pour faire une image, on a plutôt besoin d’un radar photo au lieu de policiers qui se promènent. C’est la certitude de se faire prendre qui va décider les locateurs illégaux de se conformer. Il faut que la base de données Airbnb et la base de données CITQ se comparent en temps réel. Ce qui n’est pas le cas actuellement.
Tourisme Montréal, avec sa politique en durabilité – Destination harmonieuse – se préoccupe-t-elle de cette dimension, à votre avis?
Nous comprenons que Tourisme Montréal participe à la croissance par le tourisme. En même temps, la question des prix des logements est une menace à la prospérité collective et à la dignité humaine, ce qui fait partie des impacts sociaux de l’activité touristique. Une des conséquences est la tension qui peut faire – pour la sécurité des touristes – qu’on écarte les itinérants… Bref, cacher le problème au lieu de le régler. La solution? Comme à New York (depuis le 5 septembre 2023) et à Vancouver (avec 64 autres villes de la Colombie-Britannique, à compter du 1er mai 2024), il faut remplacer l’offre aux visiteurs de location à court terme de type Airbnb, par notre hôtellerie classique existante. Nous comprenons que ce n’est pas le rôle de Tourisme Montréal, mais celui des législateurs d’agir en ce sens et d’interdire toute location en deçà de 30 jours.
Autre considération par rapport au tourisme?
Oui. On a tous besoin d’un logement, d’une résidence; bref, d’un toit. Comme la nourriture et les vêtements, c’est la base de nos vies quotidiennes. Lorsque le prix d’un logement ou d’une hypothèque est très élevé, ça impacte le portefeuille discrétionnaire du loisir et des dépenses en tourisme.
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Conclusion
Merci Adam. J’en retiens deux éléments.
- On ne peut parler sérieusement, à titre de destination touristique, de durabilité sans tenir compte de la dimension sociale de l’impact du tourisme sur les résidents d’une ville, d’un quartier. Comme OGD/ATR, vous n’avez pas le pouvoir évidemment de légiférer, mais avez le devoir de soutenir/solliciter toute mesure qui vient augmenter la qualité de vie de vos concitoyens, sans pour autant nuire au tourisme, au contraire!
- Qu’attendons-nous, sur le modèle newyorkais, pour interdire la location court terme de 30 jours et moins à Montréal et à Québec, si on veut se prétendre une destination durable?
Jean-Michel Perron
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