Passer au contenu principal

Le courage de repenser le développement touristique au Québec

 

Entre décroissance, sobriété et  l’utopie d’un développement sans fin

« La fin de l’abondance…Ce que nous sommes en train de vivre est de l’ordre d’une grande bascule ou d’un grand bouleversement ». - Emmanuel Macron, président français, 24 août 2022.

Pour décarboniser le tourisme, réduire la pollution engendrée et protéger/régénérer notre biodiversité, il importe d’agir individuellement, collectivement et dans nos entreprises. Mais construire, se nourrir, se déplacer, se vêtir  demande énormément à notre planète qui ne peut plus supporter un tel rythme de croissance, surtout que les technologies vertes (énergies, acier/ciment, etc.) ne seront pas déployées à court terme. Et que ces technologies nécessitent elles-mêmes des tonnes de matériaux[1]….

Nous devons ainsi faire des choix courageux. Certains secteurs de notre tourisme ne peuvent s’inscrire dans un tourisme durable. Ils doivent faire partie d’une décroissance touristique ciblée. En voici quelques exemples :

·       On observe récemment l’annonce d’immenses projets résidentiels en nature pour être livrés ensuite à AirBnB impactant l’environnement, utilisant des ressources émettrices de Co2 et nuisant à la qualité  de vie des citoyens sans compter l’atteinte à la réputation d’un tourisme québécois responsable et durable;

·       La F-1 avec son orgie de fonds publics versés  à une entreprise privée capitalisée à 30G$ (de20M$ à 26M$/année + 91M$ depuis 2017 dans le circuit : plus de 500M$ de subventions entre 2009 et 2031) , d’émissions de  GES, de gaspillage alimentaire, de prostitution élevée

·       Croisières internationales : le secteur touristique le moins durable en tourisme par passager tout en offrant le meilleur rapport qualité/prix MAIS émissions très élevées de GES, pollution de l’air et maritime, conditions d’emplois difficiles à bord, etc…Nos ports et escales du Saint-Laurent réalisent les bonnes actions durables à quai mais ne contrôlent en rien ce que font réellement les 3 multinationales des croisières. Dossier détaillé à venir prochainement sur ce sujet;

·       La seule solution pour l’avion à court et moyen terme :  voyager moins. Les technologies vertes aériennes ne seront pas là avant 10 ans contrairement à l’auto électrique…Les marchés touristiques – arrivée par l’asphalte -  du Québec, de l’Ontario et de la côte Est américaine sont les plus durables. Il faut les prioriser et non  pas subventionner de nouvelles liaisons !

·       Réunion d’affaires. Le groupe ACCOR  prévoit une baisse permanente de 20% de ce secteur par l’arrivée de nouvelles technologies et la prise de conscience des entreprises de ce qu’est un voyage d’affaires essentiel.

·       Tours d’hélicoptères (150 kilogrammes de CO2/ heure)

Pourquoi dans un contexte permanent de rareté de la main-d’œuvre (malgré l’apport futur des technologies), ne maximiserions-nous pas les services et produits qui sont déjà en place avec un fort potentiel de rentabilité et de durabilité ? Est-ce que nos entreprises actuelles opèrent à 100% à l’année ? Pourquoi de ne pas rénover ou lieu de construire à neuf ?

Par l’accès limité  aux programmes de subventions; par des réglementations plus fermes et par un refus de promouvoir dans notre marketing de destination certaines pratiques et services non durables, nous pouvons influencer positivement le développement de notre tourisme. Soyons pour une croissance touristique durable en appuyant et optimisant nos PMEs déjà existantes.

Nous sommes tous entrés en tourisme dans un contexte d’augmenter les revenus et le nombre de visiteurs au Québec avec la conviction de devoir créer de plus en plus de nouvelles entreprises pour réussir. Il est maintenant temps de revoir cette prémisse en effectuant une décroissance[2]/croissance par secteurs touristiques.

Jean-Michel Perron

[1]« Les technologies « vertes » ne sont pas la solution car, même si elles n’utilisent plus de ressources fossiles, elles consomment d’autres ressources, notamment matérielles, parfois en quantités supérieures à celles des technologies qu’elles remplacent. Ainsi, il faut extraire 10 tonnes de matières pour fabriquer un véhicule électrique, davantage que pour un véhicule thermique équivalent, sans compter les matériaux nécessaires à la fabrication des routes, des parkings, des bornes et des infrastructures nécessaires à leur fonctionnement. » https://www.alternatives-economiques.fr/franck-aggeri/une-sobriete-decroissance-possible/00104033?utm_source=emailing&utm_medium=email&utm_campaign=hebdo_abo&utm_content=21082022

 

2 « La décroissance n’est donc pas une option : elle est notre proche horizon, soit sous une forme subie et sauvage, soit sous une forme volontaire et contrôlée, autant faire que pourra….une idéologie comme celle du développement durable s’avère particulièrement dangereuse. Elle entretient en effet l’espoir qu’il est possible de conjuguer croissance économique, justice sociale et respect des limites écologiques de notre planète. Ce faisant, elle justifie la poursuite de la destruction en cours alors que la seule manière de limiter les dégâts est de rompre résolument avec la course à la croissance ». – Yves-Marie Abraham, professeur HEC, 2014.



 

 

 


Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

Comment éviter l’écoblanchiment et respecter la nouvelle loi canadienne ?

  Source photo: Radio-Canada Chronique réalisée suite à des entrevues avec : Merci Julien O. Beaulieu, chercheur avec le CQDE Merci Julien Galtier, Masse Critique Merci Marc Paquin, Planetair Enfin, comme en Europe  depuis janvier 2024; en  France, depuis janvier 2023 et en Californie  depuis le  1er janvier dernier, inspirée d’ailleurs par la réglementation française -  les entreprises qui surévaluent ou mentent, consciemment ou inconsciemment sur leur respect de l’environnement  ne peuvent plus légalement le faire au Canada depuis juin 2024.  Excellente nouvelle pour les clients/visiteurs et pour les entreprises qui agissent réellement pour la Planète !  Mais qu’est-ce qui constitue de l’écoblanchiment et en quoi la nouvelle loi risque-t-elle de vous impacter ? Voilà les questions que vous devriez considérer dès maintenant. Définition écoblanchiment : On parle d’écoblanchiment lorsqu’un acteur partage une information environnementale fau...

Tourisme au Québec : déni face à l’urgence climatique PARTIE II : Le déni expliqué par le facteur humain

  En première partie, dans une autre chronique , j’avais fait le constat de la faible performance de la destination " Québec" en durabilité. Aujourd’hui, comment expliquer qu’on n’agit pas en conséquence, sachant l’urgence ? Mes recherches pointent vers  L'INERTIE SYSTÉMIQUE comme le frein majeur à la transformation   de  notre industrie touristique québécoise. Cette inertie, elle-même provoquée par des biais psychologiques de personnes en poste d'autorité, semble expliquer qu'ailleurs sur la planète des destinations comparables (Finlande, Nouvelle-Zélande...) agissent, elles, avec brio, comme le commande l'urgence climatique, tout en assurant la croissance responsable de leurs entreprises. On comprend que les gaz à effet de serre (GES) et leurs corollaires, le réchauffement climatique, la pollution, la dilapidation des ressources qui ne sont pas illimitées et les risques de pandémie représentent des menaces existentielles qui ne connaissent pas de frontières...

L’avenir du tourisme international selon Deloitte/Google. Et les enjeux qui viendront bouleverser ce scénario optimiste.

  Une excellente recherche anticipative vient d’être produite. Le volume des touristes internationaux, poussé par l’après-guerre avec la montée d’une vaste classe moyenne occidentale et les vols longues distances, sont passés de 25 millions en 1950 à 1,454 milliard en 2019 . Cette année, nous aurons après la chute pandémique, rejoint à nouveau ce volume de 2019 (à 96%) et selon Google/Deloitte, nous atteindrons 2,4 milliards en 2040.  À l’analyse de milliards de requêtes sur Google dans 230 pays, de consultations de dizaines d’experts et de statistiques officielles depuis 50 ans, voici les constats actuels et les principales « prédictions » de Deloitte/Google, produite le 1 novembre dernier, dans leur rapport Vision 2040 (hyperlien à la fin) avec mes commentaires et les enjeux majeurs sous-estimés, à mon avis. 1. J’ai apprécié la section des facteurs positifs et négatifs   - pages 30-31-32 - qui vont impacter les entreprises touristiques d’ici 2040. Que fait-on pour s...